La Gazette du Centre Morbihan

Sa femme était décédée en 2017 : l’hôpital de Pontivy condamné à plus de 600 000 €

Le tribunal administra­tif de Rennes a condamné le Centre hospitalie­r du Centre-Bretagne, dont la responsabi­lité a été reconnue dans le décès d’une patiente de 68 ans en 2017, à verser plus de 600 000 € à la CPAM du Morbihan et à son compagnon.

- • Franck Baudouin - Pontivy Journal

Le tribunal administra­tif de Rennes a condamné, le 26 mai 2023, le Centre hospitalie­r du Centre-Bretagne (CHCB) à verser 571 583 euros à la Caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan et 56 601 euros à Michel Barbeau, habitant Pluméliau-Bieuzy. Sommes qui sont majorées d’intérêts légaux, qui courent depuis novembre 2019.

Si le CHCB a été condamné à verser plus d’un demi-million d’euro en indemnisat­ions, c’est parce sa responsabi­lité a été reconnue par le juge administra­tif dans le décès d’une patiente âgée de 68 ans, Françoise Bucourt.

Un jugement accablant

Le jugement est accablant pour le CHCB : « L’absence de surveillan­ce dans la nuit du 8 au 9 février 2017 a joué un rôle délétère dans la survenance de l’ischémie mésentériq­ue gravissime ». Le tribunal parle aussi de « diagnostic incomplet », de « caractère fautif » dans la prise en charge. Et se basant sur le rapport d’expertise, le juge considère que le CHCB est responsabl­e de la perte de chance (de survie) de la patiente à hauteur de 95 %.

« Ce jugement met l’accent sur l’incompéten­ce et l’impéritie de certains médecins. Ce n’est vraiment pas de chance que de tomber sur trois mauvais médecins... », s’étonne encore, six ans après le décès de sa compagne, Michel Barbeau.

Gastroenté­rite ou occlusion ?

Le 3 février 2017, vers 17 h, Françoise Bucourt, 68 ans, ressent de vives douleurs abdominale­s. A 19 h, son compagnon, téléphone au Samu qui lui conseille de se rendre au Centre hospitalie­r du Centre-Bretagne, à Noyal-Pontivy.

Aux urgences, l’interne diagnostiq­ue une gastroenté­rite aigüe virale, sans complicati­on. « L’absence de vomissemen­ts, de diarrhée et de fièvre évoquaient une gastroenté­rite, mais également une affection chirurgica­le [...], impliquant des examens complément­aires qui n’ont pas été effectués », notera le tribunal administra­tif dans son jugement.

« On ne lui a pas fait d’échographi­e, ni de scanner, ni de radio. On l’a renvoyée chez elle avec une ordonnance de Doliprane, sans contrôle de ce diagnostic par le médecin senior responsabl­e du service », complète Michel Barbeau.

Mais les douleurs persistent et sont toujours violentes. Le 7 février, Françoise Bucourt se rend chez son médecin traitant. Ce dernier soupçonne un syndrome sub-occlusif, « car les douleurs étaient localisées à droite, là où une quarantain­e d’années auparavant ma compagne avait subi une appendicec­tomie. »

Retour au CHCB, où Françoise Bucourt consulte en urgence un gastroenté­rologue. « Mais ce spécialist­e considèrer­a, sans le moindre examen, qu’il n’y a aucun caractère de gravité et qu’elle peut rentrer chez elle. Il lui prescrit même une analyse de sang à faire en centre-ville de Pontivy alors qu’elle ne pouvait même pas marcher. Elle ne s’était pas alimentée depuis quatre jours ; elle était d’une faiblesse extrême. Mieux : il lui prescrit un laxatif, strictemen­t interdit en cas de blocage de l’intestin », poursuit Michel Barbeau. « Elle aurait dû être hospitalis­ée, ce qui aurait permis de faire des analyses sur place ainsi que des examens complément­aires. »

Le gastroenté­rologue fait aussi une demande de scanner en secteur libéral pour le lendemain. « Irréalisab­le compte tenu du planning. Le scanner sera programmé un mois plus tard sans qu’il s’en rende compte... », dénonce Michel Barbeau.

Le 8 février, les douleurs étant de plus en plus insupporta­bles, retour aux urgences, où un examen radiologiq­ue, demandé par le médecin traitant, permet à l’interne de découvrir « l’origine de six jours de douleurs » : une occlusion intestinal­e.

Informé en fin de matinée, un chirurgien urologue de garde décide de l’opérer, mais seulement le lendemain matin. « Pourquoi attendre encore 18 h ? »

Mais dans la nuit, l’état de Françoise Bucourt se dégrade. Le compte rendu opératoire, repris par le tribunal, évoque « un état de choc hypovolémi­que et probableme­nt septique » (insuffisan­ce circulatoi­re aigüe avec réduction du débit cardiaque et altération de l’oxygénatio­n des organes. Ce qui peut entraîner une défaillanc­e multiviscé­rale).

Le 9 février, vers 6 h 30, Françoise Bucourt est opérée. C’est bien une occlusion sur bride (l’intestin s’enroule formant un noeud au niveau d’une ancienne appendicec­tomie). « Une pathologie sans gravité si elle est prise à temps. L’opération dure une trentaine de minutes... Mais après sept jours, le drame était inévitable. »

Transférée dans un état critique en fin d’après-midi par hélicoptèr­e au service de réanimatio­n du CHBS de Lorient, Françoise Bucourt y restera cinq mois. Puis trois mois à la clinique Saint-Yves de Rennes et deux mois de nouveau en réanimatio­n au CHU de Rennes, où elle décèdera le 11 décembre 2017.

« Après sept jours, le drame était inévitable »

Le procès au pénal attendu

Bien que le tribunal administra­tif de Rennes a reconnu la faute du CHCB et s’est prononcé sur le montant des indemnités, le dossier est loin d’être clos pour Michel Barbeau. « Ce qui s’est passé est scandaleux et d’une extrême gravité. Laisser quelqu’un six jours sans soins, sans radio, sans opération, ce n’est pas possible ! »

Michel Barbeau, qui avait, fin 2019, également déposé plainte au pénal attend des nouvelles du juge d’instructio­n. Six ans après le décès de sa compagne, il souhaite que « les médecins fautifs soient sanctionné­s. »

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Le Centre hospitalie­r du Centre-Bretagne a été condamné par le tribunal administra­tif de Rennes à verser plus de 600 000 euros d’indemnités après le décès d’une patiente en 2017.

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