« Si on n’avait pas montré les crocs, on ne serait plus là »
Trois décennies qu’il diffuse une autre idée du cinéma. L’ Utopia Stella de Saint-Ouen-l’Aumône a trente ans et il continue à cultiver sa différence, polie à l’art et essai. À contre-courant d’une tendance meurtrière pour les cinémas de quartier. Explications sur une exception culturelle qui perdure avec Caroline Lonqueu-Lahabi, 44 ans, directrice des cinémas Utopia de Saint- Ouen- l’Aumône et Pontoise.
Comment expliquez-vous cette longévité quand les cinémas de quartier disparaissent les uns après les autres ?
Caroline Lonqueu-Lahbabi : Ça tient à l’identité très forte du lieu et d’Utopia et du lien très fort qui nous lie avec le public. Depuis qu’on existe, on arrive à s’imposer dans un environnement très concurrentiel, il y a une forme d’exploitation singulière.
C’est aussi l’aboutissement d’un travail sur la durée, on est très attentif à la qualité de la programmation. On n’a pas beaucoup changé la ligne éditoriale. On a aussi refusé de céder aux sirènes de la publicité et des friandises pendant les séances.
L’offensive des multiplexes au début des années 2000 avait fait craindre le pire. 17 ans après, Utopia est toujours debout. Les craintes étaient-elles fondées ?
Oui, elles l’étaient. On ne savait pas à quelle sauce on allait être mangés. Si on n’avait pas montré les crocs, on ne serait peut-être plus là. Montrer les crocs a permis de faire baisser la tension. Les multiplexes ont vu qu’on était là. Des politiques nous ont soutenus. Notre peur était de ne plus avoir accès aux copies mais nous avons conservé la confiance des distributeurs parce que nous sommes Utopia.
On a aussi veillé à améliorer la qualité de l’accueil. On ne voulait pas s’endormir sur nos acquis. Avec l’ouverture de la 5e salle en 2008, on a envoyé un signal fort. Ceci dit, on reste vigilant, le danger ne vient plus seulement des multiplexes, il vient aussi de la nouvelle distribution de films comme Netflix. Le danger, il est également dans les têtes. L’heure est au repli sur soi. Le danger, c’est de perdre le lien avec notre public. On a de plus en plus de mal à donner envie aux gens de venir.
Quels sont vos projets ? On est sur la consolidation, pas sur un projet de développement. On reste fragile économiquement, l’idée, c’est de consolider et que les gens soient heureux. On doit aussi maintenir le lien avec nos partenaires, les écoles, les collèges. Maintenir le vivre-ensemble. On reste vigilant et combatif. On n’est ni béat, ni serein.
Utopia fête ses 30 ans les vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 septembre. Au menu : avant-premières, concerts, rencontre, cinégoûter et petit déj. Coup d’envoi des festivités le vendredi à 19h15 avec discours, exposition, cocktail, miniconcert à l’Utopia Stella. Et aussi : samedi, 20h45, avant-première du dernier film d’Albert Dupontel
Programme complet sur www.cinemasutopia.org/saintouen/