La Gazette Val d'Oise

Viol ou pas : malaise autour du procès

Un homme de 28 ans était jugé devant le tribunal correction­nel de Pontoise pour «atteinte sexuelle sur mineur» après avoir eu une relation sexuelle avec une fillette de 11 ans. La famille de la victime veut voir les faits requalifié­s en «viol».

- Thomas HOFFMANN

Prenant place dans le box, le prévenu tourne rapidement la tête vers le tribunal sans même jeter un regard furtif vers la salle d’audience bondée où plusieurs magistrats et autres avocats ont pris place. Tous attendent les explicatio­ns de cet homme de 28 ans jugé pour avoir eu une relation sexuelle avec une fillette de 11 ans au moment des faits. Un acte consenti pour le parquet de Pontoise, un viol pour la famille de la jeune fille qui ne s’était pas présentée à l’audience du tribunal correction­nel de Pontoise ce mardi 13 février. Un procès qui s’est finalement déroulé à huis clos à la demande de l’avocate de la partie civile, Me Carine Diebolt qui a évoqué « un risque d’atteinte à la dignité de la personne et un trouble à l’ordre public ». À l’heure où nous mettons sous presse, les débats se poursuivai­ent dans la salle n° du 2 du tribunal de grande instance de Pontoise, sans savoir si le dossier était une nouvelle fois renvoyé, comme il l’avait déjà été fin septembre, la défense ayant soulevé des nullités tandis que la partie civile comptait demander la requalific­ation des faits en viol. Une décision qui devrait faire grand bruit alors que cette affaire est à l’origine du débat juridique sur le consenteme­nt sexuel des mineurs.

« Ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise »

C’est le 24 avril 2017, que ce père de deux enfants croise la route de la jeune fille dans un square de Montmagny, à la sortie de son collège. Ils avaient déjà discuté par le passé. Sarah* va alors vers lui, un échange s’engage et très rapidement l’homme lui propose de le suivre chez lui. Il l’emmène dans son appartemen­t où ils auront une relation sexuelle. Après avoir quitté les lieux, l’adolescent­e se rend chez une voisine. Sous le choc, elle soupire toutefois « qu’elle était un peu consentant­e ». Avant de totalement s’effondrer une fois rentrée chez elle et s’être confiée à sa mère.

La famille de la collégienn­e, qui décrit une enfant tétanisée, porte plainte pour viol. Mais les enquêteurs ont conclu que le rapport était consenti comme l’a affirmé l’agresseur poursuivi de ce fait pour atteinte sexuelle, un délit puni par cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende, comme le veut l’article 227-25 du Code pénal. Le parquet de Pontoise ayant jugé « que dans le cas d’espèce, il n’y a eu ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise. » Aucune traces physiques, comme des coups ou des lésions, ni signe d’un traumatism­e psychologi­que de la victime, n’apparaisse­nt en effet dans le rapport de police. Des éléments indispensa­bles pour qualifier une agression sexuelle en viol, le seul jeune âge de l’enfant ne suffisant donc pas.

Pour Me Carine Diebolt, l’avocate de la jeune fille et de ses parents, « la question du consenteme­nt d’une enfant de 11 ans ne doit même pas se poser ». Elle estime que sa cliente était sous l’emprise de cet homme et s’est ainsi laissée faire. Pour la conseil, tous les éléments constituti­fs du viol sont réunis dans cette affaire : outre la pénétratio­n sexuelle, la « contrainte morale » qui résulte de leur différence d’âge, la surprise, la violence, assurant que l’individu s’est montré agressif dans l’ascenseur forçant la victime à lui faire une fellation, et la menace ce dernier lui ayant assuré de nuir à sa réputation dans la cité si elle parlait.

Pour l’avocat de la défense, Me Marc Goudarzian, il s’agit à l’inverse d’un « un dossier vide. Il n’y a rien contre mon client, excepté l’état civil de la jeune fille, qu’il ne connaissai­t pas », a insisté le conseil promettant des « révélation­s » avant d’entrer dans la salle d’audience en accusant la victime d’avoir chargé son client « pour se racheter une conduite » auprès de ses parents. Il a, par ailleurs, souligné que la victime faisait plus que son âge et que le prévenu était persuadé qu’elle avait 17 ans. Or de son côté, Sarah affirme lui avoir dit son âge et même montré son carnet de correspond­ance. * Le prénom a été modifié.

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C’est l’avocate de la partie civile qui a demandé que l’audience se déroule à huis clos pour érespecter la dignité » de sa cliente.

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