Née sur le trottoir de l’hôpital
Wafaa Naffrechoux, jeune mère de famille, a accouché de son deuxième enfant sur un trottoir, à quelques centaines de mètres de l’entrée du bâtiment B de l’hôpital. Elle fustige l’organisation du plan Vigipirate mais salue le travail du personnel.
On ne parle que de la
petite Aïcha dans les couloirs de l’hôpital depuis lundi. Découvrez l’improbable déroulement de la naissance de cette petite fille.
Elle s’appelle Aïcha Fatma, mesure 44 cm et pèse 2,320 kg. Ce petit bout de chou est né lundi 5 septembre, à 9 h 20, avec cinq semaines d’avance et depuis, on ne parle plus que d’elle à l’hôpital de Meaux.
Car l’accouchement de sa maman, Wafaa Naffrechoux, ne s’est pas vraiment déroulé comme dans un rêve. Pas de lit confortable, pas d’oreiller, pas d’assistance médicale. La jeune femme a mis au monde son deuxième enfant sur un trottoir à quelques mètres de l’entrée du bâtiment B du centre hospitalier. Heureusement, tout s’est bien terminé et la petite fille va bien. Wafaa préférait en rire quelques heures après cette épreuve : « Au moins, maintenant, je sais ce que c’est d’accoucher
sans péridurale ! Ma mère m’a dit « T’as accouché comme moi ! » » Le père, Artémis Longangu, « très en colère », tentait aussi de relativiser : « J’ai des amis qui travaillent à l’hôpital. Ils m’ont appelé pour me raconter cette histoire comme une anecdote sans savoir qu’il s’agissait de mon enfant ! »
L’incroyable journée d’Aïcha commence vers 6 heures lorsqu’elle décide de découvrir le monde. Wafaa, qui vit à Melun et a été suivie par le centre hospitalier Marc-Jacquet, se trouve alors à Meaux chez la famille du papa. Elle n’a pas encore atteint le 8ème mois de sa grossesse et ne s’attend donc pas à accoucher. Mais elle ressent les premières contractions qui, peu avant 9 heures, sont de « plus en plus
intenses ». Le couple décide donc de se rendre à l’hôpital de Meaux. Wafaa et Artémis se garent sur le parking visiteur, devant le bâtiment C qui abrite la maternité. Mais impossible d’y accéder par cette entrée, barrée depuis l’instauration du plan Vigipirate en novembre 2015. « Il n’y avait aucune information claire et personne pour nous aider. On a suivi les quelques flèches qui indiquaient l’entrée piétons. » Le couple ne se doute pas que le bâtiment B, le seul ouvert au public, se trouve à plusieurs centaines de mètres… « On a marché mais plus on avançait, plus ça devenait compliqué. J’ai perdu les eaux sur le chemin. À un moment donné, j’ai dit à Artémis « Arrête-moi là, la tête est en bas, je n’en peux plus ». »
Le système D
Le papa, qui porte sa compagne depuis la perte des eaux, obéit. Wafaa se retrouve allongée sur le trottoir, sous la pluie, la tête posée sur l’un de ses sacs. Ses cris alertent les passants. Très vite, plusieurs personnes viennent leur porter secours. Certains tiennent des draps à bout de bras pour un peu plus d’intimité, d’autres maintiennent la jeune maman. Une sage-femme arrive. « Elle a tout de suite constaté qu’on ne pouvait plus me faire rentrer dans la maternité. La tête était déjà sortie. On n’avait plus le choix donc ils ont apporté
le strict minimum pour m’accoucher. C’était vraiment
le système D », confie Wafaa. La petite Aïcha est née quelques secondes plus tard. À peine le temps de se blottir dans les bras de sa mère, enroulée dans des draps, elle a été emmenée à l’intérieur et placée en couveuse. « Il faisait froid donc ils ont fait vite pour faire remonter sa température. »
Le couple ne comprend pas comment une telle situation a
pu se produire. « C’est inadmissible, répète Artémis. Je ne pensais pas que c’était possible au XXIe siècle, avec tous les moyens dont on dispose. Et encore, on a eu de la chance, ça aurait pu être pire… Dieu merci, le bébé va bien. Je suis vraiment remonté. Ils pourraient mieux organiser ce plan Vigipirate. » La qualité de la prise en charge a quelque peu atténué
la colère du couple : « Ils ont tous été super, vraiment irréprochables, confie la maman,
reconnaissante. Même eux sont d’ailleurs choqués par ce qui s’est passé. On est arrivé à temps, c’est la marche qui a accéléré l’accouchement. La petite aurait dû naître dans de bonnes conditions. »
Le couple envisageait lundi d’engager une procédure judiciaire, « pour éviter que ça se
reproduise ». Aïcha, elle, se remet peu à peu de ses émotions dans un lit douillet, cette fois.
« Je sais ce que c’est d’accoucher sans péridurale ! »
« C’est inadmissible »