Jill, la patronne peu ordinaire du Jean-Jaurès
C’est le rendez-vous de ceux qui aiment prendre un verre, un café mais surtout entrer en relation. Et là, Jill, la patronne est la personne idéale.
Le « Jean-Jaurès » dans la rue qui porte son nom est le café emblématique de Lizy et certainement des environs. Ce commerce de proximité est un endroit apprécié par tous, du gratteur de la Française des jeux, au lecteur de La Marne ou d’autres revues, à l’amoureux de cigares jusqu’au consommateur de petit noir ou de bière belge. En poussant la porte de ce café, le sourire de Jill donne le ton. Avec sa gouaille aussi grande que son coeur, la patronne règne dans ce lieu qui lui va comme un gant : « Cela fera 25 ans le 21 août. J’étais cadre bancaire et, quand j’ai suivi mon mari Christophe dans cette aventure, j’avais une image néfaste d’un bistrot. Je trouvais cela inconvenant et je pensais qu’il n’y avait que des pochetrons. »
Gilberte, surnommée Jill par son mari, a la particularité de compter les verres de ses clients : « Il n’est pas question de dépasser la dose. J’ai renvoyé un ouvrier dont la femme venait d’accoucher et qui, selon moi, était parti pour arroser l’événement plus que de raison. Même chose pour deux jeunes dont l’un est venu me remercier le lendemain. »
Jill a certes la voix qui porte, le verbe haut et l’humour bien trempé mais elle possède une vraie tendresse pour ses clients : « J’ai un principe auquel je ne déroge jamais : ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire. Les discussions ne sortent jamais d’ici ».
Jill est naturellement douée pour le rapport humain. « Le contact ne s’apprend pas mais je connais le prénom de tous mes clients. Je suis un peu comme un médecin. D’ailleurs, l’un de clients rentre toujours en me disant bonjour docteur ». Elle possède ce petit plus qui donne au café un air bon enfant : « Ici, personne ne fait la gueule. Je donne un surnom à chacun et ils sont super contents. Pas question non plus de tomber dans les histoires grivoises. Je respecte tout le monde mais en retour il faut me respecter ».
Et les clients le lui rendent bien. « Lors de mon anniversaire, on m’apporte des chouquettes et tant de bouquets qu’on dirait que nous sommes à la Toussaint » blague-t-elle pour évacuer cette tendresse à fleur de peau. « Ici c’est un théâtre et je fais le spectacle quand je suis derrière le bar. J’aime ce que je fais, c’est tout. » Entre deux vérités distillées et pas toujours emballées « je n’aime pas les feignasses qui profitent du système. Je suis franche, directe mais qu’est-ce que l’on peut rigoler ».
En fin de journée, les cordes vocales font une drôle de musique : « Je travaillais de 6 h 30 à 20 h, avec les colis et les journaux, mais je lève le pied » souligne Jill qui continue de faire des petits cadeaux à ses clients en offrant des boîtes d’allumettes, des briquets, stylos publicitaires… : « J’aime partager si j’ai trop, c’est logique. Je préfère aussi vendre un paquet de cigarettes qu’une cartouche car cela me permet de discuter avec les clients dont beaucoup sont devenus des amis. Par respect pour eux je ne réponds jamais au portable dans le café. L’important c’est de s’écouter. »
Jill, qui a déjà 47 ans de travail derrière elle, va passer la main en pouvant être fière de ce chemin de vie, mais cette future absence va certainement laisser un grand vide chez bon nombre de ses clients.
« Personne ne fait la gueule »