Le vétérinaire belge a-t-il enfreint la législation française ?
Interpellé en 2015 sur l’aire d’autoroute de Villevaudé par les douanes françaises, un vétérinaire est suspecté d’exercice illégal de sa profession, importation de médicaments sans autorisation et détention de produits sans justificatifs.
Il a d’abord été placé en garde à vue. Poursuivi ensuite par le Parquet de Meaux, il a été convoqué au tribunal correctionnel, mercredi 20 décembre 2017.
Contrôle sur l’A104
Un jour de juin 2015, une patrouille opérait des contrôles sur l’A104 à la recherche de produits stupéfiants. En circulant sur le parking réservé aux poids lourds, la présence d’une berline Mercedes immatriculée en Belgique a attiré l’attention des douaniers. Ils ont procédé à une vérification d’identité du conducteur endormi ; la fouille du véhicule a révélé la présence de médicaments classés dangereux ou non autorisés sur le territoire.
N’ayant pu produire que sa carte professionnelle belge périmée, Freddy a été conduit au siège de la Brigade de Surveillance Intérieure à Aulnaysous-Bois.
Négligence ou volonté de frauder ?
Les enquêteurs, assistés de deux membres de la Brigade Nationale des Enquêtes Vétérinaires et Phytosanitaires (BNEVP), ont dénombré au total cent cinquante et un produits dont plusieurs périmés. Freddy a reconnu détenir et utiliser des médicaments commandés en Allemagne, en Italie, au Canada et aux États-Unis en affirmant : « Je pensais que la libre-circulation des personnes et des produits s’appliquaient ». Il a précisé qu’il pratiquait son « activité au Centre de Grosbois ou à Cagnes-sur-Mer à la demande de propriétaires ou entraîneurs d’écuries belges, pour des chevaux belges entraînés en France ».
Le concernant, ils ont obtenu des confirmations : diplôme délivré à Gand, spécialisation en orthopédie équine en Suède et aux États-Unis, inscription au Tableau de l’Ordre des Médecins Vétérinaires en Belgique mais pas en France. Il a d’abord déclaré : « J’étais inscrit à l’Ordre en Belgique, je pensais que c’était valable partout », avant d’avouer exercer sans avoir respecté les formalités françaises, les jugeant « trop compliquées ».
Exercice habituel ou occasionnel ?
En début d’audience, une fois les faits exposés, la présidente a donné la parole à l’avocate de la défense. Celle-ci a tenté de démontrer que la procédure visant son client était entachée de nullité. Les arguments développés – délais d’information au Parquet non respecté par les Douanes, investigations menées par un agent non habilité… – ont été balayés par le procureur de la République : « La défense fait une confusion avec une autre disposition applicable si Monsieur G. avait été placé en retenue douanière. »
Après l’instruction du dossier, deux notions ont été placées au coeur du débat pour qualifier la pratique vétérinaire : habituelle ou occasionnelle ?
Complexe, l’affaire est renvoyée
À son tour, l’avocate de Freddy s’est lancée dans une très longue plaidoirie pour « une affaire atypique ». Elle a d’abord fait deux remarques : « Je ne comprends pas ce que mon client fait devant votre tribunal ! L’exercice habituel est retenu à tort par le Parquet et la partie civile », avant de développer sa démonstration : impossible de suspecter son client de fraude alors qu’il est inscrit en Belgique depuis 1986, y jouit d’une certaine notoriété et « fait partie de la commission disciplinaire de la Fédération belge ».
Impossible de caractériser son activité d’habituelle alors qu’il ne dispose que de « sa voiture comme cabinet » et n’assure qu’une pratique itinérante consistant en un « suivi des chevaux belges en déplacement à l’étranger ».
Impossible de lui reprocher l’importation et la détention de boîtes de médicaments en vrac car une disposition européenne accorde aux vétérinaires européens la possibilité « d’utiliser des médicaments autorisés dans leur pays même s’ils sont interdits en France » et le statut de vétérinaire octroie « la prérogative de les distribuer au détail ». Elle a conclu en demandant la relaxe de son client « sali par une procédure ubuesque ».
Devant la complexité de l’affaire et la nécessité de vérifier les textes en vigueur, les juges se sont accordé un délai de réflexion. Le délibéré est renvoyé au lundi 29 janvier 2018.