La Marne (édition Meaux)

Bernard Ménil, l’homme-orchestre

Sans tambour mais avec sa trompette, Bernard Ménil est devenu celui qui transmet sa passion de la musique. Il a formé près de 4 000 élèves, enseigné pendant 43 ans dans 31 communes : une vie consacrée à l’enseigneme­nt musical.

- Pascal Pioppi

Il est capable de faire jouer de tous les instrument­s en minimisant la réalité de son rôle de pédagogue. Agriculteu­r de métier, Bernard Ménil est tombé sous le charme de la portée musicale qui relève plus de la magie que de la raison. A raison de 60 à 70 heures hebdomadai­res, 7 jours sur 7 dédiés à ces petites notes fragiles qui se déposent à force de sueur et de patience sur la partition, le chef d’orchestre a été grignoté par cette passion dévorante.

Sans certaineme­nt s’en rendre compte, son action éducative a donné un sens à sa vie en continuant de distiller des bonheurs, dévorant les souvenirs comme autant de festins. Chaque sortie musicale semble être dégustée comme un enfant qui redessine sa purée dans l’assiette à la fourchette. Bernard se régale et goûte chaque moment. Son émotion possède l’aspect piquant des friandises Mistral gagnant savourées et partagées dans l’enfance. « Je ne sais pas qui prendra ma suite mais il est important, je pense, de parsemer de musique le territoire de Lizy pour les cérémonies, les fêtes. » Une sorte de promesse éternelle et éphémère. Avec son orchestre harmonie et fanfare, il participe activement au marathon des commémorat­ions du canton de Lizy les 11 novembre, 8 mai, 14 juillet et ce sur huit communes dans une seule matinée : « J’ai parfois des maires qui s’impatiente­nt pour me dire que nous sommes en retard » glisse-t-il, le coeur un peu lourd : « C’est quand même une chance d’avoir de la musique dans un village. »

Il trace depuis 43 ans son sillon. Beaucoup plus son microsillo­n que le sillon rectiligne derrière son tracteur.

L’homme au chapeau, à la redingote et aux longs cheveux fins comme des baguettes ne fait qu’habiter sa vie sans s’y intéresser. Son existence résonne sans tambour mais avec sa trompette, son instrument de prédilecti­on : « Je joue aussi de la batterie et du piano mais ce n’est pas pareil ». Comme une rock star locale, Bernard ne veut pas dire son âge. Coquetteri­e amusante. A-t-on vraiment un âge quand on a été élevé à la passion musicale. Les fossettes se seraientel­les fossilisée­s dans la fosse d’orchestre ?

43 ans de passion dévorante

Les voyages forment les… musiciens

Ce garçon sensible avance sans se draper d’insolence et de certitudes. Une vraie personnali­té locale, du terroir. Qui ne connaît pas Bernard à 50 km à la ronde ? « Je ne peux pas sortir dans le canton sans être reconnu et salué. » Le musicien se sent apaisé comme si le monde un peu fou qui l’entoure marquait une pause autour de sa musique. Sa vie trépidante, presque monacale, semble être une valse quotidienn­e et il a pris le parti pris de danser avec elle : « Je ne suis pas blasé de toujours me remettre en question en déchiffran­t pour chaque instrument chaque partition qui me demande plus de 20 heures de traitement ».

Homme-orchestre, il est aussi homme à tout faire. Il fait jouer une partition collective mais règne sur tout le secteur musical. Logique. Mais il va plus loin, emploie sept professeur­s, fait tourner sa boutique certaineme­nt sans grand profit pécuniaire. « J’en suis souvent de ma poche », note-t-il. Il est aussi organisate­ur de voyages en Guadeloupe (5 fois), Autriche, Bulgarie, Réunion, l’Europe mais aussi le Casino de Paris, le Cirque Bouglione,. Il sillonne la France avec son orchestre, fait le taxi pour aller chercher les élèves chaque soir à Lizy et dans le canton, prend les contacts, négocie les plateaux télé : « Nous avons eu la chance de jouer à plusieurs reprises chez Pascal Sevran et pour la chaîne Direct 8. »

Cet hyperactif allume les couleurs de l’espoir. Chaque concert donné est une épreuve qu’il soumet à ses élèves. Il s’offre aussi le temps du silence. Cela s’appelle la liberté : « J’aurais pu rejoindre un orchestre parisien mais moi, je veux tout maîtriser, être un vrai chef, n’avoir personne sous mes ordres. »

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Bernard Ménil, une figure artistique de notre région.

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