Symbiomer : les marins de demain ?
Algoculture, aquaculture, pêche et ramassage d’algue sur le même bateau. C’est le métier innovant lancé par l’entreprise Symbiomer. Ses créateurs y voient l’activité maritime du futur dans le Trégor-Goëlo.
Bonne nouvelle pour Symbiomer, la société créée par Alexis Bouvet vient d’obtenir une concession dans l’est de l’île Maudez. Trois hectares où seront immergées des cages d’élevage de truites biologiques en parallèle avec de l’algoculture (lire aussi la Presse d’Armor du 17 mai 2017), ce qu’on appelle l’aquaculture multitrophique intégrée. Un procédé qui vise notamment à ce que les déjections produites par une production soient consommées par l’autre, dans la colonne d’eau.
Il a présenté son enteprise à un parterre d’élus, de décideurs économiques et de représentants de l’administration maritime à l’occasion de la remise d’un chèque d’encouragement au Crédit mutuel de Bretagne.
Algues en cage et à Bréhat
Une activité novatrice en France pour laquelle un bateau de pêche, l’Aube, a été spécialement aménagé. Il sera basé à Loguivy. « Il bénéficiera de tous les équipements du port : grue, chariot, chambre froide… » indique Yannick Hémeury co-actionnaire dans l’opération. Les truites passeront également en criée.
L’Aube pêchera aussi la coquille et récoltera des algues sur l’archipel de Bréhat. Cette polyvalence est aussi l’une des originalités de l’entreprise. Alexis Bouvet en fait la clé d’une démarche environnementale vertueuse et économiquement viable : « Concernant la matière naturelle, nous respecterons la saisonnalité, la traçabilité, la taille de coupe et ça, on sera capable de le faire parce que nos activités sont polyvalentes ».
10 tonnes à Saint-Malo
Le trentenaire a complété sa formation en cultures marines par un master en aménagement des territoires, là encore, son profil est peu courant. « Parce qu’être un bon technicien ne suffit pas, il faut bien connaître son territoire ».
L’entreprise sera spécialisée dans les macro-algues. Celles qui ne seront pas produites dans les cages, seront récoltées à pied et au scoubidou dans l’archipel de Bréhat.
Ce mercredi, symbiomer a livré les premières 10 tonnes d’ascophyllum à la société malouine Goëmar, filiale du groupe américain Arysta, qui joue un rôle majeur en Bretagne dans le domaine des applications algales innovantes. L’entreprise malouine réceptionne quotidiennement 10 tonnes de la seule ascophyllum.
Applications nobles
Goëmar fabrique notamment des biostimulants et vaccins pour l’arboriculture. Pour Alexis Bouvet, la demande est là. « Il y a une grosse demande sur les algues et en plus sur des applications nobles, porteuses de sens, notamment des substituts aux pesticides ». Sachant que l’archipel de Bréhat est probablement le champ d’algues le plus qualitatif d’Europe, le jeune entrepreneur veut y croire.
Car l’enjeu économique se trouve dans la fourniture de matière première, insuffisante en France. « On importe l’équivalent de 140 000 tonnes d’algues par an, essentiellement issues de récolte, seuls 2 % viennent de l’algoculture ».
Déficit en truites de mer
Même demande du côté de l’aquaculture.
« Aujourd’hui, on a un déficit de 2000 tonnes de truites de mer en France, on n’a pas encore mis une seule truite en cage que deux grossistes de Rungis veulent l’exclusivité sur le produit, le Groupe Le Graët est aussi intéressé » indique Yannick Hémeury qui fait remarquer qu’il s’agit « de la première pisciculture en mer créé en France depuis 22 ans ».
Un modèle exportable ?
L’occasion pour l’ancien armateur de rendre hommage à Louis Le Bellec qui avait déjà créé le groupement aquacole de Loguivy-de la-Mer dans les années 70.
Et Yannick Hémeury ne cesse de marteler que l’avenir est là pour les professionnels : « ce type de pêche va pouvoir s’exporter sur la littoral du Trégor-Goëlo, c’est un complément d’activité pour les pêcheurs et les ostréiculteurs ».