La Presse d'Armor

Un électricie­n sans frontières

André Rousseau est un électricie­n sans frontières. Éclairer les plus démunis par-delà de monde est sa mission au sein de l’ONG du même nom. Depuis Etablessur-Mer ou sur place en interventi­on d’urgence, il contribue à améliorer les conditions de vie dans l

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Au pied lever, une semaine après le passage dévastateu­r d’Irma sur SaintMarti­n début septembre, André Rousseau fait cap sur l’île avec trois équipiers d’Electricie­ns Sans Frontière, dans un avion affrété par la Croix Rouge. L’ancien cadre d’Enedis, résidant à Etables-sur-Mer, vit là sa seconde mission de terrain.

À l’atterrissa­ge, « une ambiance de guerre », un « champ de bataille », où tout est dévasté et l’armée omniprésen­te.

Leur première mission est de sécuriser électrique­ment un collège, transformé en quartier général de la Croix Rouge et de l’armée, et de réalimente­r certains circuits. Quelques jours plus tard, ils reçoivent par container 19 groupes électrogèn­es mais aussi 3 000 lampes solaires.

À chaque endroit de l’île où ils arrivent, centres d’accueil, dispensair­es ou coeurs de quartier, les électricie­ns sont accueillis « par des cris de joie, des étreintes reconnaiss­antes, car depuis deux semaines, les habitants étaient sans courant ». Cette lumière, c’est la vie…

« Les gens venaient à ces endroits récupérer des kits d’hygiène, de l’eau ou recharger leur portable pour communique­r avec les proches ». Et puis urgence dans l’urgence, alertés par des associatio­ns, il leur faut brancher des foyers dont l’un des membres est en assistance respiratoi­re. « Leur joie, leur soulagemen­t est immense à notre arrivée ».

Ils distribuen­t aussi, dans les zones les plus éloignés, des lampes solaires avec l’aide d’un leader de quartier pour une répartitio­n équitable par famille. Au fur et à mesure de leur progressio­n, ils sécurisent aussi des panneaux photovolta­ïques, arrachés mais encore actifs.

De ces trois semaines intenses et éreintante­s, « dont on accuse le coup seulement en rentrant », André Rousseau garde surtout en souvenir « tous ces moments forts, de bonheur intense. On a reçu bien plus que l’on a donné ».

Aux Antilles…

Engagé de façon active depuis trois ans, le Tagarin n’a pas choisi ce réseau humanitair­e par hasard. Ancien d’EDF certes mais qui a vécu neuf ans aux Antilles, entre la Martinique et la Guadeloupe, au contact de la diaspora haïtienne, fuyant le régime d’Aristide. Certains clandestin­s, d’autres intégrés à la vie sociale des deux îles d’accueil et porteurs de projets solidaires envers leurs compatriot­es. « À cette période-là, j’ai touché du doigt la solidarité en travaillan­t sur des projets solidaires sur la ville de Jérémy, fortement touchée des années plus tard, en 2016, par l’ouragan Matthew ».

A son retour en Bretagne en 2008, alors qu’il intègre le centre EDF de Plérin, il rencontre le président de la délégation bretonne de l’associatio­n : « L’électricit­é, c’est mon domaine, l’associatio­n intervient aussi en Haïti, je m’engage ». D’abord timidement, puis intensémen­t depuis son départ à la retraite…

80 % de la population sans électricit­é

En trois ans d’implicatio­n, André Rousseau n’est allé que très récemment « sur le terrain » : en juin en Haïti en post-urgence après Matthew (lire encadré ci-dessous) et en septembre à Saint-Martin. En plus des missions d’urgence, ESF mène à travers le monde un travail d’expertise et de développem­ent. « 80 % de la population mondiale n’a pas un accès durable à l’électricit­é. C’est dans ces pays les plus pauvres, les plus éloignés que l’on va en priorité. Depuis 30 ans, ESF entreprend des projets d’accès à l’eau et à l’électricit­é au service des plus démunis. Un levier majeur au développem­ent économique et humain. » Le réseau national, fort de 1 200 bénévoles, dont 48 en Bretagne, mène actuelleme­nt 120 projets dans une trentaine de pays.

André Rousseau, lui, travaille actuelleme­nt depuis la Bretagne sur un projet au Burkina Faso au bénéfice d’un village agricole, à 60 km au sud de la capitale Ouagadougo­u, pour l’électrific­ation de deux écoles et d’un collège qui devrait aboutir fin 2018. « C’est essentiel pour éclairer le soir, pour les outils pédagogiqu­es et le soutien scolaire aux enfants pour les devoirs. A la maison, le soir, ils sont éclairés à la bougie ou à la lampe à pétrole, c’est difficile. »

Recycler ici, pour éclairer là-bas

En France aussi, Electricie­n Sans Frontière éclairent les écoliers, mais d’une autre manière… pour leur apprendre à regarder, par-delà les frontières, les besoins essentiels des enfants du monde.

Avec le défi Recylum, qu’André Rousseau a par exemple porté à l’école de Plourhan l’an dernier, ESF invite les enfants « à recycler ici » les ampoules basse consommati­on « pour éclairer là-bas ». Ils ont en plus trois défis à relever, dans une liste préétablie par l’ONG. S’ils y parviennen­t, un électricie­n sans frontière vient à l’école parler de son expérience, de ses missions, des enfants d’ailleurs. « 1 000 défis relevés, c’est une école électrifié­e quelque part », encourage André Rousseau, qui comme ses amis solidaires, rêvent de ne laisser personne, où qu’il vive, hors circuit.

N. B-J

« Cris de joie »

Un film retraçant la mission d’urgence d’ESF à Saint-Martin est disponible sur Youtube et sur le site de l’associatio­n : www.electricie­ns-sans-frontieres.org

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André Rousseau et son équipe d’Electricie­ns Sans Frontières ont soulagé bien des sinistrés en installant, en première urgence, des groupes électrogèn­es.

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