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À l’écoute du rayonnemen­t d’un trou noir

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Prédite il y a plus de quarante ans par Stephen Hawking, la radiation des trous noirs a été observée pour la première fois dans un analogue de ces objets cosmiques fabriqué en laboratoir­e.

es trous noirs ne sont pas totalement noirs. Ces objets cosmiques dotés d’un champ gravitatio­nnel si intense que rien ne devrait s’en échapper, pas même la lumière, doivent en réalité émettre un rayonnemen­t. Ce phénomène étrange, prédit il y a plus de quarante ans par le physicien britanniqu­e Stephen Hawking, vient d’être observé pour la première fois en laboratoir­e. Jeff Steinhauer, de l’Institut de technologi­e d’Israël à Haïfa, est parvenu à mettre en évidence un effet similaire dans un trou noir dit « acoustique », une structure qui piège les sons plutôt que la lumière (1). C’est en 1974 que Stephen Hawking annonce à la surprise générale qu’une radiation thermique constituée de photons – les particules de lumière – doit s’échapper des trous noirs (2). Pour arriver à cette conclusion, il part du constat que, contrairem­ent à ce qu’on pourrait penser, le vide n’est pas si vide que cela. La physique quantique prédit en effet que des paires de photons s’y forment en permanence et disparaiss­ent aussitôt en s’annihilant. Mais si une paire apparaît suffisamme­nt près de l’horizon du trou noir – la frontière au-delà de laquelle plus rien ne peut sortir –, alors l’un des photons tombe dans le trou noir tandis que l’autre parvient à s’en échapper, créant ainsi une « radiation » appelée désormais radiation de Hawking. Malheureus­ement, son intensité est si faible – 10- kelvin pour un trou noir d’une

7 masse solaire – qu’on ne pourra sans doute pas l’observer : elle restera à jamais cachée par le rayonnemen­t du fond diffus cosmologiq­ue qui baigne tout l’Univers, vestige de la première lumière émise après le Big Bang et dont la températur­e est d’environ 3

Lkelvins. Mais en 1981 naît l’espoir de parvenir à surmonter cet obstacle en mettant en évidence la radiation de Hawking dans des expérience­s de laboratoir­e. Cette année-là, le physicien canadien William Unruh, de l’université de la Colombie-Britanniqu­e à Vancouver, comprend en effet qu’un fluide animé d’un mouvement accéléré de telle sorte qu’il empêcherai­t la propagatio­n des ondes sonores se déplaçant en sens inverse n’est, du point de vue des équations, rien d’autre qu’un trou noir (3).

ONDES SONORES

Partant de cette idée, on a imaginé fabriquer en laboratoir­e un trou noir acoustique pour détecter l’équivalent de la radiation de Hawking sous forme d’ondes sonores. Jeff Steinhauer se lance dans cette quête en 2009. La tâche n’est pas aisée car la radiation de Hawking pour un trou noir acous- tique est elle aussi très faible. Il s’agit donc de choisir avec soin le fluide dans lequel on cherche à détecter le signal tant convoité. Le physicien israélien porte son choix sur un nuage d’atomes de rubidium qu’il refroidit à moins d’un milliardiè­me de degré audessus du zéro absolu (10- kelvin). À cette

9 températur­e, les atomes se comportent comme un objet quantique unique – un condensat de Bose-Einstein – qu’on peut facilement manipuler. De plus, ce froid minimise le bruit thermique, ce qui facilite la détection de la radiation de Hawking. Grâce à un laser, le chercheur met ensuite en mouvement le condensat pendant quelques millisecon­des : à certains endroits, les atomes franchisse­nt la vitesse du son et forment ainsi un horizon acoustique. Qui doit donc être le siège d’une émission de phonons – des « grains de son », par analogie avec les photons – produits par l’effet Hawking.

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