Cela ouvre d’autres pistes thérapeutiques
S é b a s t i e n G r a n i e r, Vous avez participé aux travaux de modélisation du récepteur spécifique de la morphine en 2012. Que vous ont-ils appris ? Connaître la structure d’un récepteur nous permet de mieux comprendre comment il fonctionne au niveau atomique. Lorsqu’une molécule se lie dessus, le récepteur adopte une conformation particulière par le jeu de différentes interactions entre les atomes de la molécule et du récepteur. Ce qui active ensuite certaines cascades de réactions chimiques dans la cellule plutôt que d’autres. C’est ce qui se produit avec la PZM21. La compréhension de ces phénomènes pourra aider à produire de nouveaux opioïdes dépourvus d’effets secondaires mais aussi à mieux comprendre le fonctionnement d’autres récepteurs. Vos travaux ont justement permis à l’équipe de Brian Kobilka de procéder au screening virtuel de molécules. Cette approche a-t-elle déjà été utilisée ? Oui, elle est largement utilisée en biologie structurale, par exemple pour le développement de molécules anticancéreuses. Mais son application pour les récepteurs couplés aux protéines G a pris du temps parce que ces récepteurs sont hydrophobes et très instables, et donc très difficiles à manipuler en laboratoire. La résolution de leur structure reste une tâche très complexe, risquée et très onéreuse. Peu de laboratoires de recherche académiques se lancent donc dans ces projets. Pour la petite histoire, il a fallu vingt ans à Brian Kobilka pour résoudre la structure du récepteur à l’adrénaline, la première de cette grande famille de récepteurs. Quelles pourraient être les prochaines applications ? La famille des récepteurs couplés aux protéines G compte environ 800 membres qui régulent la plupart de nos fonctions biologiques. Elle comprend par exemple des récepteurs muscariniques impliqués dans le développement de troubles cognitifs comme la maladie d’Alzheimer. D’autres, comme les récepteurs de l’adénosine, peuvent aussi avoir un rôle pour le traitement en cancérologie. Depuis la résolution de la structure en trois dimensions du récepteur spécifique aux opioïdes, le nombre de ces récepteurs dont on connaît aujourd’hui la structure a considérablement augmenté. Ce qui ouvre la voie à de nombreuses applications thérapeutiques.