La Recherche

Neandertal aussi aimait les bijoux

- Gautier Cariou

L’homme moderne n’était pas le seul à s’intéresser aux bijoux. Les derniers hommes de Neandertal européens savaient aussi en fabriquer, comme le confirme une analyse de protéines extraites de fragments d’os.

qui appartienn­ent les bijoux exhumés de la grotte du Renne, à Arcy-surCure, dans l’Yonne ? Depuis plusieurs décennies, le débat fait rage. Certains archéologu­es attribuent ces colliers de coquillage­s fossiles, de dents d’animaux et d’ivoire de mammouth, à l’homme de Neandertal ; d’autres, à l’homme moderne. Difficile de trancher. En effet, ces ornements vieux de plus de 40 000 ans ont été retrouvés dans la même couche stratigrap­hique que des restes néandertal­iens non datés. Or, certains archéologu­es estiment que cette couche dite « châtelperr­onienne » a été remaniée après son dépôt. Les occupants de la grotte auraient ainsi mélangé différents niveaux, faussant l’interpréta­tion des chercheurs. Grâce à une nouvelle technique d’analyse de protéines anciennes, une équipe internatio­nale dirigée par le paléoanthr­opologue Jean-Jacques Hublin, de l’Institut Max-Planck, en Allemagne, vient d’attribuer à Neandertal les ornements retrouvés dans la grotte du Renne (1). Pour y parvenir, il fallait déterminer si les bijoux avaient le même âge que les os néandertal­iens. Mais une datation au carbone 14 aurait endommagé ceux-ci. C’est pourquoi les chercheurs ont opté pour une stratégie moins directe. Ils ont tout d’abord sélectionn­é plus de 200 fragments osseux non identifiés trouvés dans la grotte du Renne et issus de cette couche stratigrap­hique châtelperr­onienne. Les chercheurs ont ensuite utilisé une technique consistant à analyser la protéine la plus abondante dans les os : le collagène. La structure du collagène varie légèrement selon les espèces de mammifères.

UNE DATATION ESTIMÉE À 42 000 ANS

Les archéologu­es ont ainsi montré qu’au moins 28 fragments osseux étaient humains. Pour savoir s’ils appartenai­ent à Neandertal ou à l’homme moderne, ils ont étudié une forme particuliè­re de collagène, présente dans les os en formation chez le jeune enfant. Sa structure est différente chez l’homme moderne et Neandertal. Les fragments ont ainsi pu être attribués à ce dernier. Ce qui a été confirmé par une analyse ADN. « L’avantage de cette méthode est qu’elle permet d’identifier des fragments osseux qui manquent par ailleurs de détails morphologi­ques », explique Matthew Collins, de l’université de York, au Royaume-Uni. Pour mettre fin au débat, encore fallait-il dater ces restes humains par le carbone 14. L’âge des fragments a ainsi été estimé à environ… 42 000 ans ! Soit l’âge de la couche châtelperr­onienne. L’homme de Neandertal est donc bien l’auteur de cette culture. A-t-il été influencé par l’homme moderne présent à la même époque en Europe ou bien a-t-il produit ces bijoux de façon indépendan­te ? La discussion reste ouverte. Une chose est sûre, cette datation, comme celle récente de structures construite­s par l’homme de Neandertal dans la grotte de Bruniquel, dans le Tarnet-Garonne, témoignent de capacités cognitives élevées.

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Les ornements retrouvés dans la grotte du Renne, dans l’Yonne, appartienn­ent bien à l’homme de Neandertal.

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