Les levures de bière ont été domestiquées tardivement
Les levures actuelles proviennent d’un nombre restreint de souches ancestrales dont la diversification sous l’influence des êtres humains remonte au XVIIe siècle, bien avant la découverte des micro-organismes.
espèce humaine a domestiqué le chien, le mouton, le blé… et la levure. La levure Saccharomyces cerevisiae , aussi appelée levure de boulangerie ou levure de bière, transforme le sucre en éthanol. Elle est utilisée pour fabriquer la bière, le vin, le saké ou le pain. Récemment, une équipe de généticiens et de microbiologistes de l’université de Louvain, en Belgique, a mené une étude sur l’histoire des souches de levures de bière actuelles et sur les conséquences de la sélection effectuée par l’homme au fil des générations (1). Ces recherches se fondent sur le séquençage de 157 souches actuelles de levure, dont 102 levures de bière. Elles montrent que les souches de levures de bière se rassemblent en deux groupes, différents du groupe des levures de vin et autres boissons fermentées, et forment un troisième groupe qui inclut des levures de pain. « Selon des études passées de génétique des populations, les souches de levures de vin forment un groupe à part des souches des autres boissons fermentées et du pain (2, 3). Mais nous ne connaissions pas l’histoire des souches de levures de bière », commente Delphine Sicard, de l’unité Science pour l’oenologie de l’Inra. Le premier des groupes de levure de bière est très marqué géographiquement. Il contient trois sous-groupes – européen, britannique et américain. Cette dernière lignée aurait divergé du sousgroupe britannique au XVIIe siècle, pendant la colonisation de l’Amérique. En se fondant sur le nombre de mutations qui séparent les branches britannique et américaine, et avec une estimation du nombre de générations et des taux de muta- tion de levures attendus en brasserie, les chercheurs ont daté l’ancêtre commun à l’ensemble des levures de bière de ce groupe. Il serait apparu entre 1573 et 1604, ce qui suggère que la domestication des levures de bière date de cette période, alors que les brasseurs n’avaient pas conscience de l’existence des micro-organismes, découverts par Pasteur à la fin du XIXe siècle. Cela coïncide avec l’époque où la fabrication de bière passe des petites productions familiales à des tailles plus importantes, dans des pubs et des monastères, puis dans des brasseries. L’équipe de l’université de Louvain a également observé chez les levures de bière actuelles des signes clés de la domestication, définie comme la sélection par l’homme d’espèces sauvages afin d’obtenir des individus qui soient efficaces dans un environnement spécifique (ici, la brasserie). Parmi ces signes se trouve la perte de la résistance des levures aux conditions sauvages. Beaucoup de sous-espèces de levures de bière possèdent ainsi un nombre anormal de chromosomes. Près de la moitié ont également perdu la capacité de se reproduire de façon sexuée et ne se multiplient que par bourgeonnement. En revanche, les levures de bière possèdent des caractéristiques génétiques qui favorisent la fermentation du maltotriose, un sucre présent dans les moûts de bière. La plupart des levures présentent aussi des mutations qui empêchent la production de 4-vinylguaiacol, composé dont l’arôme, proche de celui du clou de girofle, n’est pas recherché, sauf exception, comme pour les bières allemandes Hefeweizen.
LA PERTE DE LA RÉSISTANCE DES LEVURES AUX CONDITIONS SAUVAGES EST UN SIGNE DE LA DOMESTICATION
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