Nouveaux modèles d’évolution chez les vertébrés
Les scientifiques tentent de définir des lois universelles pour modéliser l’évolution de l’arbre du vivant et comprendre l’origine de la biodiversité.
a Terre abrite plusieurs millions d’espèces. En fonction de leurs caractéristiques morphologiques, puis génétiques, les biologistes et les paléontologues cherchent à classer cette biodiversité et à comprendre son évolution. Une question les anime en particulier : comment expliquer que certains embranchements de l’arbre du vivant soient très diversifiés alors que d’autres ne le sont pas ? Ainsi, dans le groupe des placozoaires, minuscules animaux aquatiques, sans organes, composés de quatre types de cellules somatiques,
Lune seule espèce est répertoriée. À l’inverse, le groupe des arthropodes (comprenant insectes, araignées et crustacés) compte près de 1,3 million d’espèces… Pour John Wiens, de l’université d’Arizona, ces écarts de biodiversité dans les groupes du vivant s’expliqueraient par deux facteurs : le taux de diversification propre à chaque groupe et l’âge d’apparition de l’ancêtre commun à l’origine de ce groupe. Pour appuyer son hypothèse, il a calculé les taux de diversification de la plupart des grands groupes qui constituent l’arbre du vivant : plantes, animaux, champignons, amibozoaires, bactéries, archées… Il a ainsi montré que les taux de diversification des plantes sont deux fois plus élevés que celui des animaux (1). « Ce travail tente de répondre à des questions passionnantes mais il comprend de sérieuses limites, souligne Fabien Condamine, de l’Institut des sciences de l’évolution à Montpellier. En prenant seulement en compte l’âge d’apparition d’un groupe et le nombre d’espèces existantes aujourd’hui, on néglige le fait qu’un groupe ait connu une explosion d’espèces pendant une période, et qu’ensuite ces espèces se soient éteintes pour ne laisser que quelques reliquats, comme chez les placozoaires. »
CONTRAINTES NATURELLES
Même critique de la part d’Hélène Morlon, à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure, à Paris : « L’expérience montre que les taux de spéciation et d’extinction des espèces dans un groupe ne sont pas du tout homogènes dans le temps. » Avec son groupe de recherche, elle tente d’avoir une vision plus précise de l’évolution avec des modèles probabilistes. Récemment, son postdoctorant Eric Lewitus a regroupé les données phylogénétiques de 214 familles de vertébrés – mammifères, oiseaux, squamates, amphibiens, actinoptérygiens (*) –, couvrant une période d’évolution de 500 millions d’années. Il a constaté que sur des graphes à trois paramètres, ces 214 familles se regroupaient en cinq grands modèles d’évolution (2). « Surtout, nous constatons qu’il existe des contraintes naturelles à la diversification des vertébrés, explique Hélène Morlon. Cela s’illustre dans les graphes en trois dimensions par le fait que les représentations des 214 familles n’occupent qu’un tiers de l’espace possible. »
(1) (2)