DÉCRYPTER les signaux de l’Univers
Notre galaxie abrite cent milliards d’étoiles, soit environ cent millions de planètes potentiellement habitables. Cette estimation vertigineuse n’a pas échappé à Iouri Milner, capital-risqueur russe, qui a lancé le programme Breakthrough Listen, dédié à la recherche de civilisations extraterrestres intelligentes (Seti). Il a annoncé qu’il doterait ce projet de 100 millions d’euros. Il ne s’agit pas de découvrir une forme de vie primitive, mais une civilisation comparable à la nôtre et donc capable d’émettre des signaux. C’est l’équipe d’Andrew Siemion, astronome au centre de recherche Seti à l’université de Berkeley, qui est chargée du programme. Dans un premier temps, les chercheurs de Berkeley prévoient d’écouter 1709 étoiles de la Voie lactée dans un rayon de 163 années-lumière à la recherche de signaux analogues à ceux que l’on émet avec nos appareils de télécommunications : télévision, téléphone, etc. La tâche est d’autant plus difficile que l’Univers est « bruyant » : il émet en permanence de nombreux signaux dus à des phénomènes naturels, par exemple les impulsions radio périodiques émises par les pulsars, étoiles à neutrons qui tournent sur elles-mêmes. C’est pourquoi les chercheurs privilégient des écoutes dans des fréquences dites « micro-ondes », comprises entre 0,3 et 1000 gigahertz (GHz), « car l’Univers est beaucoup moins bruyant dans ces gammes-là » , explique Seth Shostak, astronome à l’Institut Seti, en Californie. En outre, contrairement à des signaux naturels, les signaux artificiels ont la particularité d’être concentrés sur une bande de fréquence très étroite, facilement reconnaissable. « Pour les repérer, nous avons à notre disposition des instruments situés dans les deux hémisphères : le radiotélescope Green Bank, aux États-Unis, et le télescope Parkes, en Australie. Ils nous donneront accès à la totalité du ciel » , détaille Andrew Siemion. Le premier perçoit tous les signaux micro-ondes compris entre 100 mégahertz (MHz) et 100 GHz, le second couvre des fréquences allant de 1 GHz à 15 GHz. Le spectre balayé est donc très large. « Or, plus vous regardez de fréquences différentes, plus vous augmentez vos chances de capter un signal extraterrestre », indique Seth Shostak.
UN MILLION D’ÉTOILES SUR ÉCOUTE
Les astronomes de Berkeley espèrent également utiliser le radiotélescope Square Kilometers Array, un réseau de 3000 antennes disséminées en Australie et en Afrique du Sud sur des surfaces d’environ un kilomètre carré. Ce télescope, dont la construction devrait s’achever en 2024, sera de cinquante à cent fois plus sensible que les instruments actuels. De quoi repérer des signaux extrêmement faibles. Au total, Andrew Siemion prévoit ainsi d’écouter un million d’étoiles. Et pas seulement dans notre galaxie. « En partant de l’hypothèse que les civilisations extraterrestres sont rares au sein d’une galaxie, en observer plusieurs augmentera nos chances de détecter un signal.» Toutefois, l’entreprise n’est pas simple, car les signaux recherchés ressemblent en tous points à ceux émis par la Terre ! « Cet été, de nombreux médias ont relayé la détection d’un signal étrange, compatible avec une origine extraterrestre, raconte Franck Marchis, astrobiologiste à l’Institut Seti. Or il est plus que probable que ce signal soit d’origine terrestre, à l’instar des 300 millions de signaux enregistrés par les 42 antennes du télescope Allen au cours de ces six dernières années. Après des analyses approfondies, tous ces signaux ont été identifiés comme des “faux-positifs”. Ils provenaient en réalité d’un avion, d’un satellite,