3 questions à Denis Darracq
Quelles solutions inspirées du vivant ont été mises en oeuvre pour améliorer l’aérodynamisme de vos avions ?
La solution qui a eu le plus d’impact et qui tend à se généraliser, même sur des planeurs et des avions d’affaires, ce sont ces ailettes quasi verticales en extrémité d’aile, qui imitent la courbure des ailes de l’aigle. Il y a quatre ans, nous avons poussé la solution à ses limites en remplaçant les petites ailettes des A320 par des ailettes très verticales d’environ 2,5 mètres de haut. Avec des bénéfices considérables à la clé : jusqu’à 4 % d’économie de carburant sur les vols court-courriers. Physiquement, ces ailettes limitent la production des gros tourbillons qui perturbent l’écoulement de l’air autour de l’aile. Cela permet, à performance égale, de réduire l’envergure des ailes d’environ 3 mètres pour l’A380 conçu aux limites des contraintes aéroportuaires (envergure maximale de 80 mètres).
Quels autres domaines sont déjà concernés ?
La conception des structures : pour alléger les avions, nous intégrons depuis deux ans des pièces inspirées des squelettes des animaux et de la structure de leurs os. Grâce aux techniques d’impression 3D (*), nous pouvons produire des formes complexes, légères et rigides comme les supports en titane utilisés dans la cabine de l’Airbus A350, plus légers d’au moins 30 % par rapport aux supports initiaux.
Quels seront les prochains développements bioinspirés ?
J’en évoquerai deux, destinés à augmenter la performance aérodynamique. D’abord la conception de surfaces d’avion rugueuses imitant les très fines stries de la peau du requin. Testées sur des avions en vol, ces stries gravées dans la peinture réduisent la traînée d’environ 1 %. La solution devrait être mise en oeuvre d’ici à quelques années lorsque les aspects fabrication, durabilité et maintenance seront optimisés. Autre solution dont le potentiel théorique est considérable avec près de 10 % d’économies d’énergie : des avions volant en formation à la façon des oiseaux migrateurs, à environ deux envergures d’aile les uns des autres. Comme les oiseaux, ils bénéficieraient des meilleures conditions de portance grâce au mouvement d’air ascendant créé par l’avion précédant. Cela pourrait être opérationnel dans dix à quinze ans, le temps d’adapter la gestion du trafic aérien, d’organiser les points de rencontre des avions, de partager les bénéfices entre les différentes parties prenantes.
DENIS DARRACQ,