LE CORPS ET L’ESPRIT
Frans de Waal affirme que « ni les singes ni les hommes ne savent “lire dans les esprits”. Ce qui est “lu”, c’est le corps de l’autre ». ( La Recherche n° 518, p. 25). Mais peut-on considérer que les hommes ou les grands singes chercheraient à « lire » le corps de l’autre s’ils n’y supposaient pas d’abord la présence d’un esprit ?
Philippe Larcin Frans de Waal, éthologue La « théorie de l’esprit » désigne la capacité d’un individu à attribuer, à soi-même ou à autrui, un état mental. C’est l’objet notamment de la publication évoquée dans l’article. Les recherches à ce sujet supposent souvent que les primates, dont font partie les humains, peuvent avoir conscience que l’autre a des connaissances, et qu’ils sont capables de décrypter ces connaissances. Mais cette hypothèse n’est pas nécessaire. Les primates sont plutôt en phase avec les corps et les expressions corporelles. Les corps expriment des émotions, des intentions et des connaissances. Nous, les humains, sommes spécialistes de la capacité à mimer les autres, à assimiler leurs mouvements avec nos propres corps. La plupart des connaissances que nous avons des autres nous viennent de ce processus d’imitation, de fusion corporelle. Ce phénomène a une dimension émotionnelle : nous sourions quand les autres sourient, nous pleurons quand ils pleurent. De la même façon, les expressions corporelles des singes traduisent ce qu’ils savent, ou quelles sont leurs intentions. Et nous pouvons le reconnaître sans chercher à comprendre leur esprit, simplement en observant leur corps. Il en va de même pour les autres primates.