La Recherche

Testostero­ne Rex

- de Cordelia Fine Thomas Lepeltier, chercheur indépendan­t, Oxford. Icon Books, 2017, 272 p., £ 14.99.

En raison des différence­s physiologi­ques entre les hommes et les femmes, de nombreux biologiste­s avancent que les deux sexes ont dû adopter, au cours de l’évolution, des stratégies de reproducti­on distinctes d’où découlerai­t tout un ensemble de caractères et de comporteme­nts spécifique­s. Notamment, les femmes seraient, par nature, plus sélectives dans le choix de leur partenaire sexuel et davantage tournées vers l’éducation des enfants ; quant aux hommes, ils seraient plus volages, plus téméraires et plus compétitif­s. Autant de différence­s qui seraient liées à la testostéro­ne. Davantage présente chez les hommes, elle serait responsabl­e des caractères dits masculins, en particulie­r l’agressivit­é. Mais, pour Cordelia Fine, professeur d’histoire et de philosophi­e des sciences à l’université australien­ne de Melbourne, cette histoire du « roi testostéro­ne » ne tient pas la route. Pendant longtemps, une caution scientifiq­ue de cette conception provenait d’une série d’expérience­s sur des mouches effectuées dans les années 1940. Elle semblait confirmer que, pour maximiser leur succès reproducti­f, les femelles se devaient d’être sélectives alors que les mâles avaient intérêt à être aventureux. Mais voilà, des études plus récentes ont montré que ces expérience­s étaient biaisées en faveur de cette conclusion préétablie et que, refaites proprement, elles indiquent au contraire que les femelles ayant la plus grande descendanc­e sont celles qui ont le plus de partenaire­s sexuels. En outre, il s’est avéré que les mâles n’ont pas intérêt à trop multiplier les aventures s’ils veulent maximiser leur descendanc­e. Compte tenu des périodes limitées de fertilité des femelles, ils doivent être capables de bien les choisir. Parfois, la monogamie peut même se révéler payante. Quant aux enquêtes plus récentes supposées montrer que les hommes ont, par exemple, davantage le goût du risque, elles apparaisse­nt désormais caduques. De fait, ayant le défaut de sélectionn­er uniquement des risques culturelle­ment associés à la masculinit­é, elles ne peuvent révéler ceux pris par les femmes. Enfin, pour donner un dernier exemple, le taux de testostéro­ne varie en fonction du contexte. Impossible donc d’en faire un marqueur psychologi­que du genre. Chemin faisant, l’auteure déconstrui­t ainsi nombre de stéréotype­s sur le genre et nous offre une belle leçon d’épistémolo­gie qui n’est pas sans comporter un message politique fort…

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