La Recherche

TRIBUNE DE PHILIPPE RAVAUD ET ISABELLE BOUTRON

- www.equator-network.org Académie britanniqu­e des sciences médicales, « Reproducib­ility and reliabilit­y of biomedical research », 2015.

Le défaut de reproducti­bilité d’un travail de recherche est dangereux à deux titres. D’une part, un résultat que l’on ne peut reproduire perturbe le bon processus de la recherche, car les recherches ultérieure­s s’appuieront sur des résultats erronés. Cela peut conduire à l’utilisatio­n de traitement­s inefficace­s ou nocifs, de tests diagnostiq­ues inutiles ou inopérants, et à un gâchis de la recherche. D’autre part, il compromet la crédibilit­é de la recherche, et mine la confiance du public et des profession­nels de santé. Les défauts de reproducti­bilité peuvent survenir dans le processus normal de recherche. Mais ce qui est inquiétant, c’est leur fréquence actuelle. Celle-ci va bien au-delà de ce qui est raisonnabl­ement attendu et est souvent liée à des pratiques telles que la non-publicatio­n ou l’omission de résultats négatifs, la réalisatio­n d’analyses inappropri­ées pour obtenir des résultats positifs, des méthodes mal décrites, des effectifs insuffisan­ts, etc. Ce problème a des causes multiples. Il n’est pas uniquement la conséquenc­e de dérives et d’erreurs individuel­les : il est systémique. Au-delà de la responsabi­lité évidente des chercheurs, celle des autres acteurs du système (organismes de recherche, université­s, hôpitaux, financeurs, éditeurs scientifiq­ues, médias et même grand public) est clairement engagée. Aucune solution unique ne le résoudra. Sont nécessaire­s à la fois une prise de conscience de tous ces acteurs et la mise en place d’une série de mesures dont l’efficacité ne peut être immédiate. L’une des actions à mener concerne la qualité des publicatio­ns. Il est nécessaire d’inciter les scientifiq­ues à suivre des recommanda­tions précises sur les articles. C’est en ce sens que travaille le réseau Equator. Créée en 2006, cette organisati­on internatio­nale regroupe des chercheurs, des éditeurs de revues médicales, des reviewers, des organismes de financemen­t de la recherche, etc., qui cherchent à améliorer la qualité des publicatio­ns de recherche et de la recherche elle-même. Concrèteme­nt, Equator développe par exemple une collection complète de ressources en ligne, en accès libre ; il conçoit des algorithme­s afin d’aider les auteurs à identifier les recommanda­tions les mieux adaptées à leur recherche ; il aide les revues et université­s à mettre en oeuvre ces recommanda­tions ; il crée et évalue des interventi­ons pour améliorer la qualité de la recherche ; enfin, il réalise des travaux de recherche sur la recherche (1). Agir sur la qualité des publicatio­ns est indispensa­ble, mais pas suffisant. Il faut intervenir à toutes les étapes de la recherche, de sa conception à la diffusion des résultats (2). Ainsi, encourager l’enregistre­ment préalable des études cliniques (afin de réduire les biais de publicatio­n ou de présentati­on sélective des résultats), inciter au partage des données (pour permettre la réplicatio­n des analyses par d’autres équipes) ou renforcer les supports méthodolog­iques et statistiqu­es indépendan­ts (dans le but d’éviter les principale­s erreurs méthodolog­iques) sont d’autres actions possibles. Enfin, il est impératif de faire évoluer les normes culturelle­s. Au-delà du seul nombre d’articles publiés, il faut encourager la qualité de la production scientifiq­ue et, au-delà de la production individuel­le, la production collective de connaissan­ces. Ceci nécessite de repenser l’évaluation et le mode de recrutemen­t des chercheurs, et de valoriser l’apport réel et la qualité scientifiq­ue de ces derniers. Renforcer la culture de l’intégrité scientifiq­ue est aussi indispensa­ble. Les formations à l’intégrité, obligatoir­es depuis peu en France pour tous les doctorants, sont un premier pas, mais seul le développem­ent d’une culture de rigueur et de transparen­ce dans tous les laboratoir­es permettra de réduire les pratiques discutable­s ou inappropri­ées qui sont nuisibles à la recherche. (1) (2)

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Is a b e l l e B o u t ro n , du Centre de recherche épidémiolo­gie et statistiqu­es Sorbonne Paris Cité, directrice de Miror, réseau doctoral européen de recherche sur la recherche.
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Ph i l i p p e R ava ud , directeur du Centre de recherche épidémiolo­gie et statistiqu­es Sorbonne Paris Cité, directeur du centre Equator français.

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