3 questions à Isabelle Pantin
Comment les éclipses sont-elles considérées dans les cultures anciennes ?
Dans presque toutes ces cultures, une éclipse de Lune, et plus encore de Soleil, a été rapportée à une cause surnaturelle, l’intervention d’un dieu, d’un démon, d’un dragon ou d’un génie malin menaçant d’éteindre les deux luminaires. Un événement funeste que l’on tentait ordinairement de conjurer avec du vacarme ou des formules magiques destinées à empêcher que la Lune ou le Soleil ne soient dévorés à tout jamais.
Quand le mécanisme des éclipses a-t-il été découvert ?
Les astronomes babyloniens qui ont dressé des éphémérides du mouvement de la Lune et du Soleil, fondées sur des fonctions arithmétiques, peuvent prédire des éclipses lunaires dès le VIIIe siècle avant J.-C. Les causes générales des éclipses de Lune et de Soleil sont comprises par quelques philosophes grecs dès le Ve siècle avant J.-C. Aristote les évoque dans son traité Du ciel (350 avant J.-C.). Ptolémée, dans L’Almageste (IIe siècle de notre ère), donne une théorie géométrique précise des mouvements du Soleil et de la Lune. Il a réalisé un calcul des dimensions respectives et de l’éloignement des luminaires, ce qui permet d’évaluer les dimensions du cône d’ombre. La prédiction des éclipses de Lune devient très accessible, à défaut de celles des éclipses solaires, bien plus complexes.
Comment cette perception change-t-elle après Ptolémée ?
L’astronomie ptoléméenne est connue en Occident dès le XIIe siècle. Elle se diffuse par différents ouvrages, dont un manuel élémentaire utilisé dans toutes les universités d’Europe du XIIIe au XVIe siècle : Le Traité de la sphère de Jean de Sacrobosco. Celui-ci consacre son dernier chapitre aux éclipses, qu’il explique très clairement, avec des schémas pédagogiques que l’imprimerie va répandre. L’éclipse n’a plus rien d’un phénomène mystérieux et imprévisible. On lui attribue néanmoins des effets néfastes importants sur l’état de l’air et les humeurs. Si elle s’ajoute à de mauvais aspects des planètes ou au passage d’une comète (phénomène alors totalement imprévisible), le pronostic peut être catastrophique. À la Renaissance, traversée d’inquiétudes apocalyptiques, on pense couramment que la volonté divine peut envoyer des fléaux sur terre en utilisant les causes naturelles.