Génétique L’origine des premières civilisations lettrées d’Europe dévoilée
D’où viennent les Minoens et les Mycéniens ? Une équipe de généticiens et d’archéologues répond enfin à cette question, vieille de plus d’un siècle.
La Crète est connue pour le Minotaure, créature mi-homme mi-taureau enfermée dans le labyrinthe de Dédale. Mais cette île a avant tout été le domaine de la première civilisation lettrée d’Europe, les Minoens, de 2900 à 1200 avant notre ère. Ont suivi les Mycéniens, qui se sont répandus en Grèce continentale de 1700 à 1200 av. J.-C. Ces deux civilisations ont ouvert aux archéologues une grande fenêtre sur l’âge du bronze (de 3000 à 1000 av. J.-C.) en Europe. Une équipe internationale réunissant notamment des généticiens et des archéologues vient enfin d’élucider les origines génétiques de ces premières grandes civilisations européennes. Celles-ci combinent une ascendance anatolienne, iranienne, caucasienne et sibérienne (1). Minoens et Mycéniens se sont influencés culturellement. Les auteurs révèlent qu’ils partageaient un génome très similaire. Ils sont parvenus à cette conclusion en analysant l’ADN mitochondrial de restes de dix individus minoens des tombeaux des sites antiques de Moni Odigitria et Hagios Charalambos, en Crète, de quatre corps mycéniens de la côte ouest du Péloponnèse, en Grèce continentale, et de trois individus d’Anatolie du SudOuest. Ils ont comparé ces données avec celles de 332 autres individus ancestraux, fournies par des études antérieures, ainsi qu’avec celles de plus de 2 600 humains modernes. Résultat : Minoens et Mycéniens partagent les trois quarts de leur ascendance, hérités d’agriculteurs du Néolithique ayant migré depuis l’Anatolie occidentale (actuelle Turquie), l’Iran et le Caucase. Le quart restant, chez les Mycéniens, pro venait de chasseurscueilleurs des steppes d’Europe orientale et de Sibérie.
Groupes non isolés
« Ces résultats sont surprenants, estime l’un des auteurs, Iosif Lazaridis, de la Harvard Medical School à Boston. Leur part d’ascendance venue du nord et de l’est montre que les divers groupes qui ont habité en Grèce sont relativement similaires, et non isolés comme on l’a longtemps pensé. » Une question subsiste : quand les ancêtres communs orientaux des Minoens et des Mycéniens sont-ils arrivés dans la région de la mer Égée ? Pour les auteurs, la découverte de ces événements de migrations et de mélanges génétiques et culturels prouve en tout cas que « la civilisation grecque n’a pas émergé en l’état depuis la préhistoire, mais a sans cesse évolué pour devenir telle qu’on la connaît. »