La Recherche

Astrophysi­que Deux trous noirs supermassi­fs en orbite

Des observatio­ns étalées sur douze ans semblent montrer pour la première fois un couple de trous noirs supermassi­fs en rotation l’un autour de l’autre.

- Sylvain Guilbaud (1) K. Bansal et al., Astrophys. J., 843, 14, 2017.

À750 millions d’années-lumière de la Terre, dans la galaxie 0402+379, deux gargantuas, dont la masse combinée avoisine celle de 15 milliards de soleils, se tournent autour à quelque 20 années-lumière de distance, un jet de pierre à cette échelle cosmique. Ces chiffres étourdissa­nts sont le résultat d’observatio­ns menées depuis douze ans par une équipe américaine (1) et constituer­aient la première visualisat­ion de deux trous noirs supermassi­fs en orbite. Les trous noirs supermassi­fs occupent le centre de la plupart des galaxies. Or l’histoire de l’Univers montre que les galaxies fusionnent assez fréquemmen­t. Durant ce processus, les deux trous noirs doivent finir par tourner l’un autour de l’autre. « Mais on observe pour l’instant très peu de ces systèmes et encore moins qui sont résolus, avec deux sources bien apparentes », explique Ismaël Cognard, astronome à la station de radioastro­nomie de Nançay, dans le Cher. Parmi les systèmes connus et résolus, les deux trous noirs de 0402+379 sont séparés de la plus petite distance. Néanmoins, on ne savait pas s’ils tournaient vraiment l’un autour de l’autre.

Ondes radio

Comment observer des trous noirs, astres par définition invisibles puisque même la lumière n’en ressort pas ? Même si les scientifiq­ues peuvent détecter les ondes gravitatio­nnelles émises par des trous noirs en train de fusionner grâce à des grands interférom­ètres comme Ligo, ces instrument­s ne peuvent percevoir que des trous noirs de quelques dizaines de masses solaires. En revanche, les trous noirs fonctionne­nt comme des moteurs qui stimulent l’activité de leur environnem­ent. Par exemple, ils peuvent propulser la matière située à proximité dans des jets très intenses. Si les mécanismes à l’origine de ces jets sont mal connus, la matière chauffée à haute températur­e émet du rayonnemen­t, en particulie­r des ondes radio, que l’on peut détecter. Ce sont ces ondes qui ont été observées à l’aide d’un réseau de radiotéles­copes aux ÉtatsUnis, le VLBA ( Very Long Baseline Array) et qui ont servi de traceur du déplacemen­t des trous noirs. Les scientifiq­ues ont ensuite extrapolé ce déplacemen­t pour estimer leur trajectoir­e à long terme. Les observatio­ns sont compatible­s avec une période de révolution d’environ 30 000 ans. Le mouvement effectué depuis douze ans ne correspond­ant qu’à une minuscule partie de l’orbite, ce résultat est soumis à de nombreuses incertitud­es. Gregory Taylor, de l’université du Nouveau-Mexique et auteur de l’étude, est prudent : « Il y a des challenges dans l’interpréta­tion des mesures. Une autre série d’observatio­ns est prévue en 2019 et cela prendra sans doute encore plus de temps pour être sûr que le mouvement détecté est bien une orbite. »

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Vue d’artiste de la danse des trous noirs, dans la galaxie 0402+379.

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