Psychologie Le cerveau humain, un cancre pour détecter les photos falsifiées
Des psychologues ont chiffré notre faible capacité à distinguer les retouches sur des images. Une étude inquiétante, vu leur rôle central dans nos sociétés.
Réseaux sociaux, vidéos publicitaires, f il mshollywoodiens, discours de personnalités créés de toutes pièces par une intelligence artificielle (1) : nous sommes soumis chaque jour à une quantité considérable d’images retouchées qui influent sur notre jugement, notre confiance en nous ou la fabrique de nos souvenirs. Mais quelle est notre capacité à détecter ces trucages photographiques ? « Extrêmement limitée », selon des psychologues de l’université de Warwick, au Royaume-Uni (2). L’équipe a soumis une série d’images à 700 individus auxquels il a été demandé de déterminer si elles étaient originales ou modifiées. Les photos représentaient des scènes de la vie « normale » : un cycliste, casque sur la tête, pose devant un paysage ; un homme écarte les bras dans une rue calme… Les images ont été correctement évaluées dans un peu plus de 60 % des cas. Cela signifie que les individus testés ont été légèrement meilleurs que s’ils avaient répondu de façon aléatoire (correspondant à 50 % de réponses correctes).
Inciter au scepticisme
De manière contre-intuitive, les individus n’ont pas été davantage aptes à détecter des modifications de type « incohérence » (sur l’une des photos, par exemple, l’angle d’un visage avait été changé de manière à ce que la lumière projetée dessus ne soit plus logique par rapport au reste de l’image) que des modifications de type « plausible » (ajout d’éléments, gommage des imperfections). Selon Sophie Nightingale, auteure principale de l’étude, la théorie de « la cécité au changement » permet en partie d’expliquer ce paradoxe. « Le cerveau ne fonctionne pas selon une représentation détaillée du monde. Il construit une réalité à partir d’observations partielles. Et comme nous avons une conscience très limitée des phénomènes physiques qui régissent le monde, le cerveau décide d’ignorer une ombre mal placée ou une figure géométrique improbable. » Puisque le cerveau nous fait défaut, sur quelles pistes d’amélioration peut-on s’appuyer ? « Il semblerait que l’incitation au scepticisme fonctionne », répond Sophie Nightingale, ayant constaté que les individus sont plus performants pour localiser une incohérence lorsqu’on les informe au préalable que l’image est truquée. Au fur et à mesure que la technologie numérique s’améliore, les falsifications deviendront visuellement plus convaincantes, et donc plus difficiles à détecter. L’équipe se concentre donc à présent sur la recherche de solutions. « Si nous parvenons à aider les gens à repérer les faux, et notamment les incohérences d’ombre et de lumière, plus faciles à détecter, ils seront plus confiants quant à la véracité d’une image réelle. »