Environnement De l’oxygène détecté dans les « zones mortes » de l’océan
On les croyait inactives… Mais les zones dites « anoxiques » de l’océan abritent en réalité des organismes photosynthétiques qui produisent de l’oxygène.
Les zones marines anoxiques (plus connues sous l’acronyme anglais AMZ, pour « Anoxic marine zones ») sont de gigantesques poches d’eau oubliées des grands courants de circulation globale de l’océan. Très peu brassées, elles ne sont pas en contact avec l’atmosphère et échangent peu avec les eaux chargées d’oxygène qui plongent en profondeur. Elles s’étendent entre 100 m et 1 000 m sous la surface, et sur des milliers de kilomètres de long, principalement dans l’est du Pacifique et au nord de l’océan Indien. Jusqu’ici, on n’y avait jamais détecté d’oxygène dissous, qui fournit de l’énergie à la plupart des êtres vivants marins. Les rares habitants connus de ces zones inhospitalières étaient des bactéries anaérobies tirant leur énergie du cycle de l’azote. « Nous nous intéressons aux AMZ car elles produisent beaucoup d’azote et d’oxyde nitreux, des gaz à effet de serre très puissants », explique Aurélien Paulmier, du laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales à Toulouse. Lors d’une campagne dans le Pacifique en 2016, l’équipe dont il fait partie a découvert, grâce à un nouveau type de microcapteur, d’infimes concentrations d’oxygène dans la couche supérieure de la zone anoxique, là où pénètre encore un peu de lumière (1). Dans les échantillons d’eau prélevés à diverses profondeurs, ils ont identifié non seulement des micro-organismes dotés de chlorophylle – donc produisant de l’oxygène par photosynthèse –, mais aussi des bactéries aérobies, capables de consommer cet oxygène dès qu’il était produit.
Échanges gazeux
« On spéculait sur l’existence d’une production cachée d’oxygène dans les zones de minimum d’oxygène, mais c’est la première fois qu’on en apporte la preuve », salue Tim Kalvelage, biogéochimiste à l’École polytechnique fédérale de Zurich. « Contrairement à ce que l’on croyait, la partie supérieure des zones de minimum d’oxygène est très active, conclut pour sa part Aurélien Paulmier. Elles produisent non seulement de l’énergie chimique grâce à la photosynthèse, mais aussi de la matière organique. » Ce résultat modifie notre compréhension du fonctionnement de l’océan. Il change aussi le bilan des échanges gazeux de l’océan avec l’atmosphère, très important pour évaluer les conséquences du changement climatique.