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ENTRETIEN AVEC JEAN-JACQUES HUBLIN « L’émergence de formes d’Homo sapiens a été un phénomène panafricai­n » Propos recueillis par Thibault Panis

Une équipe menée par les paléoanthr­opologues Jean-Jacques Hublin et Abdelouahe­d Ben-Ncer a découvert, au Maroc, les plus anciens fossiles d’Homo sapiens jamais exhumés, datés de 300 000 ans. Ce qui remet en question l’origine unique de l’homme moderne, q

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L’émergence de formes d’Homo sapiens a été un phénomène panafricai­n”

Le professeur Jean-Jacques Hublin (ici dans son laboratoir­e) a présenté, le 6 juin dernier, les résultats de ses fouilles sur le site de Jebel Irhoud, au Maroc.

Il compte indiscutab­lement parmi les grandes figures de la paléoanthr­opologie actuelle. Depuis plus d’une trentaine d’années, JeanJacque­s Hublin arpente les terrains de fouilles, les laboratoir­es et les salles de conférence­s à la recherche des origines de l’homme. D’abord chercheur au CNRS, il a occupé plusieurs postes d’enseignant à Bordeaux, à Berkeley, à l’université Harvard, à Stanford et à Leyde, aux Pays-Bas. En 2004, il crée le départemen­t d’Évolution humaine de l’Institut Max-Planck d’anthropolo­gie évolutionn­aire de Leipzig, en Allemagne, et depuis 2014, il est professeur invité au Collège de France. Début juin, une équipe internatio­nale qu’il codirige avec Abdelouahe­d Ben-Ncer, de l’Institut marocain des sciences de l’archéologi­e et du patrimoine, a publié dans Nature les résultats d’une enquête renversant­e (1). Sur le site de Jebel Irhoud, au Maroc, les chercheurs ont exhumé des fossiles d’Homo sapiens datés de 300 000 ans (2). Une datation qui repousse de 100 000 ans l’âge présumé de notre espèce et remet en question son origine.

La Recherche Vous avez fait une découverte exceptionn­elle dans le gisement de Jebel Irhoud. Comment avez-vous connu ce site marocain ?

Jean-Jacques Hublin Entre ce gisement et moi, c’est une vieille histoire. Alors que j’étais jeune chercheur au début des années 1980, juste après ma thèse, le professeur Jean Piveteau, grand nom de la paléontolo­gie à l’époque, m’a proposé d’étudier une mandibule d’enfant qui provenait du gisement. Ce site était connu depuis les années 1960 et avait été fouillé par Emile Ennouchi, professeur à l’université marocaine de Rabat, qui y avait exhumé quelques fossiles. Cette mandibule provenait de ses recherches. Je la trouvais très curieuse parce qu’elle avait des caractères primitifs, en particulie­r des dents de très grande taille. Mais elle avait également des caractères assez surprenant­s, semblables aux nôtres. En particulie­r, il y avait une ébauche de menton assez intrigante. Par la suite, je me suis également penché sur deux crânes de Jebel Irhoud, que j’avais déjà un peu étudiés lors de ma thèse.

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