Paludisme: repérer les super-propagateurs
Les moustiques porteurs d’une inversion génétique caractéristique sont plus susceptibles que les autres de transmettre la maladie à l’homme.
Les moustiques sont les vecteurs du paludisme. Mais tous ne transmettent pas avec la même aptitude le parasite responsable de l a maladie, Plasmodium falciparum. Une équipe internationale a confirmé que, parmi les Anopheles gambiae, le principal groupe d’espèces qui propage la maladie en Afrique, ceux qui avaient une inversion sur leur chromosome 2 étaient deux fois plus infectés que les autres (1), et donc plus susceptibles de transmettre la maladie à l’homme.
Comprendre les gènes en jeu
Dans les populations d’A. gambiae, un fragment de leur chromosome 2 existe sous deux formes : une forme standard (2La) et une forme inversée (2L+). Cette caractéristique génétique avait été identifiée dès les années 1970 par l’entomologiste italien Mario Coluzzi. « Ce fragment de chromosome n’est pas anodin, puisqu’il contient près de 1 500 gènes, explique Frédéric Simard, entomologiste, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement. Plusieurs études ont montré que cette inversion a un effet sur le comportement du moustique, comme sa faculté à résister à la déshydratation ou encore sa capacité à assurer le développement du parasite. Grâce à cette nouvelle étude, on comprend de mieux en mieux comment cela marche, quels processus et quels gènes sont mis en jeu. » Pour y parvenir, les entomologistes ont prélevé des moustiques sur des terrains différents : dans les forêts de Guinée, la savane du Burkina Faso ou les hauts plateaux de l’ouest du Kenya. Ils ont procédé à des tests génétiques pour repérer la présence de l’inversion 2L+, puis à des analyses biologiques pour identifier la présence et le développement de l’agent infectieux. Ils ont ainsi montré que les moustiques porteurs de 2L+ étaient deux fois plus contaminés que les autres. Autre information importante : ils ont découvert que ces moustiques étaient davantage présents à l’extérieur des habitations qu’à l’intérieur. « Aujourd’hui, la lutte contre les moustiques se concentre dans les maisons, avec des moustiquaires imprégnées d’insecticide, souligne Frédéric Simard. Ces résultats montrent qu’il faut compléter la stratégie actuelle de lutte par des actions à l’extérieur, car c’est là que résident les moustiques super-propagateurs. »