COSMOCHIMIE
Matthieu Gounelle : « Les premières classifications des météorites datent du milieu du XIXe siècle »
La Recherche Pourquoi une telle exposition au Muséum national d’histoire naturelle, vingt ans après celle de 1996 ?
Matthieu Gounelle Depuis 1996, beaucoup de choses ont changé. Tout d’abord scientifiquement, nous faisons de plus en plus le lien entre l’étude des météorites et l’observation des étoiles en formation. La découverte d’exoplanètes a changé la perception que nous avions de la formation du Système solaire. Nous commençons vraiment à comprendre que c’est un cas particulier de la formation d’autres systèmes planétaires. De nouvelles et nombreuses chutes de météorites, dont certaines assez importantes, ont aussi été enregistrées en vingt ans. Cela a augmenté la base de données dont nous disposions. En outre, les campagnes de recherches systématiques de météorites dans les déserts ont pris une grande ampleur, que ce soit en Antarctique ou dans les déserts chauds comme l’Atacama, au Chili. Le nombre de météorites récoltées a été au moins multiplié par dix en vingt ans. Beaucoup d’entre elles ont été analysées. L’idée de cette nouvelle exposition est donc de rendre compte de tous ces nouveaux points de vue vingt ans après. Et aussi de donner à voir au public plus de 350 pièces de la collection du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), qui est unique et malheureusement très peu exposée de façon permanente.
Comment les météorites sont-elles devenues un objet d’étude pour les hommes?
C’est une histoire assez complexe, pas du tout linéaire, contrairement à l’idée qu’on en donne parfois. Assez tôt, les Égyptiens ont utilisé du fer météoritique pour fabriquer des bijoux et des armes. Nous avons ainsi l’exemple de ce magnifique poignard datant de Toutânkhamon, au IIe millénaire avant notre ère. Les Égyptiens de l’époque savent que ce fer vient du ciel : le hiéroglyphe qui désigne ce matériau avait en effet pour signification « fer du ciel ». Les météorites
sont aussi révérées dans des temples, à cause justement de leur nature extraterrestre. En particulier, dans le bassin méditerranéen, en Grèce et en Syrie, il existe, entre le Ve siècle avant notre ère et le Ve siècle après notre ère, un culte de pierres sacrées que l’on appelle les bétyles, probablement des météorites, très souvent associées au culte du Soleil ou de la Lune. C’est une forte indication du fait qu’il y avait cette conscience d’une provenance extraterrestre.
Comment, à cette époque, parvenait-on à les distinguer des autres pierres ?
Une météorite de fer est facilement reconnaissable, car très différente de toutes les autres pierres. En outre, les chutes de météorites sont assez régulières, et il y a donc forcément des témoins qui ont fait le lien. Ainsi, les météorites préservées dans les temples sont probablement des pierres qu’on a vu tomber. Malheureusement, nous avons peu de textes de cette époque, mais nous savons par exemple qu’une pierre était tombée au début du Ve siècle avant notre ère dans le nord de la Grèce. Et elle a été conservée pendant très longtemps, car Pline l’Ancien luimême dit l’avoir vue, six siècles plus tard.
Quel traitement leur a été réservé au Moyen Âge?
Pendant tout le Moyen Âge, on en parle peu. Nous connaissons quelques chroniques écrites par des moines, qui mentionnent des chutes de météorites, mais ce phénomène est très peu discuté. Du point de vue des savants, que des pierres tombent du ciel est en contradiction avec la physique aristotélicienne. En témoigne cette citation d’Isidore de Séville, grand érudit du VIe siècle, qui écrit : « Il est impossible que les étoiles puissent tomber du ciel. » Et quand il en est enfin question, les météorites sont plutôt évoquées sous le régime de la crainte et associées à des peurs de fin du monde. On commence vraiment à en parler en 1492, en Europe occidentale, avec la chute d’une météorite à Ensisheim, un petit village d’Alsace.
Qu’est-ce qui fait la particularité de cette chute ?
Elle est extrêmement spectaculaire. La météorite est ensuite ramassée et interprétée comme un présage par les savants de la cour de Maximilien Ier, empereur des Romains. Après en avoir délibéré plusieurs jours, les savants