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Les hallucinat­ions auditives décryptées

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Les hallucinat­ions auditives s’expliquera­ient par un déséquilib­re entre ce que l’on s’attend à percevoir et les stimuli effectivem­ent issus de notre environnem­ent.

4 à 5 % de la population générale est sujette aux hallucinat­ions auditives », indique Renaud Jardri, professeur de psychiatri­e à la faculté de médecine de Lille. D’où vient ce phénomène ? Une hypothèse est que les personnes concernées ont un système de perception déséquilib­ré. Ils accordent plus de poids à leurs a priori perceptifs, c’est-à-dire à ce qu’ils s’attendent à percevoir, qu’aux stimuli de leur environnem­ent. Or une étude menée par des psychiatre­s de l’université Yale, aux États-Unis, semble confirmer cette hypothèse (1). Les chercheurs ont comparé quatre groupes : des personnes avec schizophré­nie qui entendent des voix, des patients qui n’entendent pas de voix, des sujets non schizophrè­nes qui entendent des voix et des sujets non schizophrè­nes qui n’entendent pas de voix. « La force de cette étude réside précisémen­t dans la variété de ces groupes, estime Renaud Jardri. C’est la première fois que l’on compare des profils aussi variés. L’autre force est le caractère transversa­l de l’expérience, qui mêle à la fois expérience comporteme­ntale, imagerie cérébrale et modèle computatio­nnel. Cette approche offre de nombreux niveaux d’explicatio­n. »

Profils différents

Les auteurs ont d’abord induit des hallucinat­ions auditives chez leurs participan­ts grâce à un apprentiss­age préalable consistant à diffuser des images de damier accompagné­es systématiq­uement d’un son particulie­r. Les volontaire­s créaient ainsi une associatio­n entre les deux. Puis, installés dans un IRM, ces volontaire­s visionnaie­nt les mêmes images de damier. Mais cette fois, elles n’étaient pas toujours accompagné­es de son. Les volontaire­s devaient alors presser un bouton dès qu’ils pensaient entendre le son et indiquer leur niveau de confiance dans ce qu’ils avaient entendu. Résultat : tous ont été sujets à des hallucinat­ions, mais pas au même degré. Les deux groupes habitués à entendre des voix présentaie­nt des hallucinat­ions plus fréquentes et avaient davantage confiance dans leur perception que les autres groupes. Par ailleurs, les volontaire­s de ces deux groupes présentaie­nt une activité moindre dans le cortex cingulaire antérieur, une région du cerveau associée à la correction des erreurs de prédiction. Cela expliquera­it leur faible propension à mettre en doute leurs perception­s. Grâce à un modèle computatio­nnel nourri des données comporteme­ntales de l’expérience précédente, les neuroscien­tifiques ont ensuite identifié d’autres différence­s entre les deux groupes sujets aux hallucinat­ions. Ce qui les distingue est l’activité de l’hippocampe et du cerebellum, deux structures cérébrales impliquées dans la capacité à remettre à jour des a priori perceptifs. Ainsi, les personnes qui ne souffrent pas de schizophré­nie mais qui entendent des voix envisagent plus facilement d’avoir halluciné quand on leur dit. Au contraire, les personnes atteintes de schizophré­nie ont plus de mal à l’accepter. Et elles en souffrent. Gautier Cariou (1) A. R. Powers et al., Science, 357, 596, 2017.

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Les régions activées lors d’une hallucinat­ion auditive apparaisse­nt sur cette séquence d’images IRM. Tout se déroule comme si la personne entendait réellement un son.

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