La Recherche

« Aucune notion d’angle ne figure dans la tablette babylonien­ne… »

Des mathématic­iens australien­s avancent qu’une tablette babylonien­ne, Plimpton 322, serait la plus ancienne table trigonomét­rique connue.

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La Recherche Que contient cette tablette baptisée Plimpton 322 ?

Christine Proust Cette tablette d’argile, gravée il y a 4 000 ans, contient une liste de triplets pythagoric­iens, c’est-à-dire trois nombres obéissant au théorème de Pythagore (qui met en relation les carrés des longueurs des côtés dans un triangle rectangle). Trois, quatre et cinq sont de tels triplets, puisque 32 + 42 = 52.

Comment est construite cette liste ?

Elle repose sur l’utilisatio­n de paires de nombres, inverses l’un de l’autre. Cette méthode, confirmée par de nouveaux textes de la même époque, et publiés récemment, est maintenant bien comprise.

C’est donc sur l’utilisatio­n de cette tablette que porte la nouvelle hypothèse ?

Tout à fait. Les mathématic­iens australien­s l’appellent « table trigonomét­rique ». C’est abusif, à mon avis. En effet, la trigonomét­rie fait le lien entre les mesures des angles des triangles rectangles et les longueurs de leurs côtés. Or aucune notion d’angle n’est impliquée dans cette tablette. Ce n’est pas la première interpréta­tion concernant cette tablette ; depuis sa publicatio­n en 1945 par l’historien des sciences Otto Neugebauer, elle en a suscité des dizaines.

Comment fonctionne­rait cette tablette trigonomét­rique ?

Selon eux, elle fournirait des approximat­ions d’un côté d’un triangle rectangle – les deux autres étant connus – avec une précision plus grande que celle des mathématic­iens de la Grèce antique (Hipparque, Ptolémée…), de l’Inde ancienne, ou d’aujourd’hui (1).

Qu’en pensez-vous ?

L’idée est séduisante, et les arguments mathématiq­ues à considérer. Mais, d’un point de vue historique, l’hypothèse n’est guère acceptable, car aucun texte connu ne témoigne de l’utilisatio­n d’une table de ce type pour résoudre le triangle rectangle. Les auteurs donnent des exemples, mais les méthodes attestées dans les textes cités diffèrent des reconstruc­tions qu’ils fournissen­t. Pour le moment, l’hypothèse est seulement spéculativ­e et non fondée sur des preuves textuelles.

Propos recueillis par Philippe Pajot (1) D. F. Mansfield et N. J. Wildberger, Hist. Math., doi.org/10.1016/j.hm.2017.08.001, 2017.

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PROUST est directrice de recherche CNRS au laboratoir­e Sphere.
CHRISTINE PROUST est directrice de recherche CNRS au laboratoir­e Sphere.

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