L’ANGLAIS QUI LUI A SOUFFLÉ SON BREVET
En 1887, à Sevran, près de Paris, Nobel met au point une poudre à canon, la ballistite. Constituée d’un mélange à parts égales de nitroglycérine et de nitrocellulose avec un peu de camphre pour la stabiliser, cette poudre brûle presque sans fumée, ce qui rend la source du tir moins repérable. L’Administration française des poudres et salpêtres, à qui Nobel propose son invention, refuse d’en acheter les droits, disposant déjà de la poudre blanche mise au point par le chimiste Paul Vieille. Cette déception s’accompagne d’une désillusion de taille. Nobel, qui s’était laissé aller à communiquer des renseignements confidentiels sur la préparation de la ballistite à un expert britannique, Sir Frederick Abel, découvre que l’Anglais vient de déposer un brevet de fabrication d’un produit nommé cordite – qui n’est autre que la ballistite séchée et présentée sous forme de fils. Les proportions de nitrocellulose et de nitroglycérine ont légèrement varié, la vaseline a remplacé le camphre, l’acétone a servi de solvant, mais l’idée générale reste la même. Indigné, Nobel porte l’affaire devant les tribunaux britanniques, qui le déboutent après deux recours successifs. En effet, son brevet spécifiait une nitrocellulose « de type soluble », alors que celle-ci était maintenue pâteuse dans la cordite, grâce à la vaseline. Déjà auteur d’une pièce de théâtre intitulée Némésis, Nobel se vengera en écrivant une petite comédie judiciaire : Le Bacille du brevet.