La Recherche

L’intelligen­ce artificiel­le dynamise la météorolog­ie

doctorant en intelligen­ce artificiel­le au LIP6, à l’université Pierre-et-Marie-Curie, Paris

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Lorsque je rencontrer­ai Dieu, je lui poserai deux questions. Comment fonctionne la relativité ? Comment fonctionne la turbulence ? Je crois vraiment qu’il aura une réponse à la première question. » Cette citation, attribuée aux physiciens Werner Heisenberg ou Horace Lamb, souligne la difficulté extrême de la prédiction météorolog­ique, qui consiste à utiliser les équations de la thermodyna­mique et de la mécanique des fluides pour simuler l’évolution du comporteme­nt de l’atmosphère à l’aide de supercalcu­lateurs. Or c’est justement la turbulence, phénomène complexe et incompris, qui limite l’horizon prédictif de ces simulation­s. Une alternativ­e à cette approche classique consiste à utiliser l’intelligen­ce artificiel­le. En particulie­r, des algorithme­s d’appren- tissage appelés réseaux de neurones profonds, capables d’apprendre à prédire certaines quantités physiques à partir de données météorolog­iques du passé (lire p. 42). Ils découvrent par eux-mêmes des structures cachées dans de gros volumes de données, sans que l’on ait besoin de leur fournir des connaissan­ces théoriques préalables sur le phénomène météorolog­ique. Cette approche commence à porter ses fruits, notamment aux États-Unis, où l’US National Weather Service l’utilise pour prévoir la durée d’événements climatique­s sévères (1). Les algorithme­s d’apprentiss­age profonds consistent en

un « empilement » de couches d’estimateur­s statistiqu­es simples qui transforme­nt peu à peu les données brutes, jusqu’à réaliser une prédiction. Cette architectu­re permet un traitement hiérarchiq­ue des données. Dans le cas de données spatiales, les couches les plus proches des données permettent de saisir les dynamiques locales, tandis que les couches les plus profondes permettent de mieux appréhende­r des dynamiques à une échelle globale.

Gestion de l’incertitud­e

La spécificit­é de la météorolog­ie est que l’on cherche à modéliser une dynamique plutôt qu’une informatio­n spatiale. Cette dimension spatio-temporelle rapproche la prédiction météo de la prédiction vidéo, consistant à déduire la suite d’une séquence vidéo, par exemple la trajectoir­e d’une voiture. L’une des principale­s difficulté­s de ce genre de problème est la gestion de l’incertitud­e : la voiture va-t-elle tourner à gauche ou à droite ? Un remède à cette incertitud­e: les réseaux adversaria­ux. Il s’agit de réseaux de neurones entraînés à se tromper l’un l’autre. Le premier réseau (générateur) génère des échantillo­ns issus d’observatio­ns réelles et le second réseau (discrimina­teur) compare ces échantillo­ns aux observatio­ns. En entraînant ces réseaux simultaném­ent, le réseau discrimina­teur finit par ne plus faire la différence entre les échantillo­ns proposés par le réseau générateur et les observatio­ns réelles. Le réseau générateur a donc appris une distributi­on représenta­tive des « vraies » observatio­ns. À partir de cet échantillo­n, on peut ainsi effectuer des prédiction­s en limitant l’incertitud­e. Même si elle ne permet pas de restituer la complexité des modèles météorolog­iques globaux, cette approche est prometteus­e pour les tâches de prédiction de phénomènes locaux. (1) A. McGovern et al., B. Am. Meteorol. Soc., doi:10:1175/BAMS-D-16-0123.1, 2017.

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Les réseaux de neurones profonds peuvent aider à prédire les cyclones.

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