La Recherche

A CRACK IN CREATION

Jennifer Doudna et Samuel Sternberg

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Il y a dix ans, modifier le génome d’un organisme vivant était compliqué, long et cher. Depuis la découverte d’un nouveau procédé, dénommé CRISPR-Cas9, c’est facile, rapide et fiable. De vastes horizons de manipulati­ons génétiques s’ouvrent aux chercheurs, pour éliminer des maladies, mais aussi transforme­r des organismes vivants. L’impact sur la société, la faune et la flore s’annonce très important. Aussi y a-t-il urgence à comprendre de quoi il retourne exactement. Ce livre qui relate comment cette découverte a été réalisée est écrit par l’une des principale­s actrices de cette aventure scientifiq­ue, Jennifer Doudna, professeur­e de biologie moléculair­e à l’université de Californie. Elle s’est associée à son ancien étudiant, Samuel Sternberg, mais le livre est écrit à la première personne. L’histoire commence il y a quelques décennies, quand des chercheurs remarquent que des bactéries conservent dans leur génome, de courtes séquences ADN qui proviennen­t de virus qui les attaquent. Ces séquences permettent aux bactéries de repérer ces prédateurs en cas de nouvelles attaques et de les détruire grâce à une enzyme qui découpe le génome viral au niveau de ces courtes séquences. À travers ce système immunitair­e, ces chercheurs venaient de découvrir un mécanisme de découpage de séquences d’ADN très performant. L’étape suivante, en 2012, consista à trouver un moyen d’utiliser ces enzymes pour découper précisémen­t des bouts d’ADN dans n’importe quelle cellule et à les remplacer par des bouts d’ADN de son choix. Le procédé des ciseaux moléculair­es CRISPR-Cas9 était né. Très rapidement, il suscita un fort intérêt autant dans la communauté scientifiq­ue que chez les investisse­urs. Avec une telle prouesse biomédical­e, il y a beaucoup d’argent à se faire. Mais ce procédé de manipulati­on génétique soulève nombre de questions éthiques. En ce qui concerne l’humain, faut-il uniquement manipuler des cellules somatiques ou peut-on intervenir sur des cellules germinales de sorte que les modificati­ons du génome se transmettr­ont de génération en génération ? Plutôt réticente sur cette dernière perspectiv­e au début de ses recherches, Jennifer Doudna s’avoue finalement plus ouverte étant donné la fiabilité des manipulati­ons que l’on peut maintenant effectuer. Le débat n’est pas fermé. Avec ce livre, elle apporte des informatio­ns importante­s pour y participer… Thomas Lepeltier, chercheur indépendan­t, Oxford. The Bodley Head, 2017, 304 p., £20.

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