Chimie Quand les nanorobots deviennent programmables
Des machines moléculaires savent réaliser des tâches séquentielles, de manière autonome ou non. Un (nano) pas de géant vers des fonctions complexes.
Pour sortir des laboratoires et intégrer l’industrie, les machines moléculaires doivent gagner en autonomie, être capables de réaliser une tâche constituée de multiples étapes, devenir de véritables nanorobots. On s’en approche. Le groupe de David Leigh, à l’université de Manchester, a conçu un robot qui exécute une séquence de synthèses chimiques en maîtrisant la stéréochimie des molécules produites (1). C’est un paramètre très important en chimie fine, qu’il s’agisse de produire des médicaments ou de créer des matières fonctionnalisées. La stéréochimie distingue des molécules identiques en séquence, mais dont l’organisation spatiale varie, comme une main gauche diffère d’une main droite. La machine moléculaire de l’équipe britannique en tient compte. Elle ajoute deux morceaux à une molécule qu’elle lie, en travaillant par la droite ou par la gauche selon qu’elle possède ou non un proton en plus, ce qui est très facile à induire en modifiant le pH de la solution. Résultat, avec différents schémas de variation du pH, elle peut créer les quatre stéréo-isomères potentiels : droite/droite, gauche/droite, droite/gauche et gauche/gauche. « Ce système produit des molécules dont la synthèse est quasiment impossible par les méthodes classiques », remarque Nicolas Giuseppone, de l’Institut Charles-Sadron (CNRS et université de Strasbourg). En effet, en solution, certains sens d’embranchements sont favorisés car ils nécessitent moins d’énergie.
Le système réussit à trier des colis
Mais le système de David Leigh est perfectible. « Le chimiste intervient entre chaque étape pour déclencher la suite, changer le sens du nanorobot et introduire les réactifs nécessaires », ajoute Nicolas Guiseppone. En revanche, le nanorobot mis au point à l’Institut de technologie de Californie est autonome (2). Constitué d’ADN, il se déplace de manière aléatoire sur une surface, aussi en ADN. S’il rencontre un colis, une petite molécule fluorescente, il la charge. S’il porte déjà un colis, il passe son chemin. S’il rencontre un site de dépôt, il pose son colis et repart, toujours au hasard, sauf si le site de dépôt est déjà occupé, auquel cas il reprend son déplacement aléatoire. Avec deux types de molécules fluorescentes, chacune n’étant compatible qu’avec un type de dépôt, le robot réussit à trier les colis. « Il s’agit là d’une vraie programmation, explique Nicolas Guiseppone. Et si le système sortait de l’exploration aléatoire, en marquant son chemin par exemple, il gagnerait en efficacité ». On approcherait alors d’une forme d’apprentissage automatique à l’échelle moléculaire…