La Recherche

Une nouvelle méthode pour éditer l’ADN

Des biologiste­s de l’université Harvard ont réussi à modifier les bases nucléiques d’une séquence ADN sans la couper. Cette méthode complète l’outil CRISPR-Cas9.

- Agnès Vernet N. M. Gaudelli et al., Nature, doi:10.1038/nature2464­4, 2017.

L’ingénierie génétique ne se résume plus à CRISPR-Cas. L’équipe de David Liu, de l’université Harvard, y ajoute une nouvelle approche : l’édition des bases nucléiques (1) . Celle-ci consiste à transforme­r une base nucléique (les briques A, T, G ou C de l’ADN) en une autre. Contrairem­ent aux précédents systèmes de modificati­on de séquences, qui remplacent une base, voire ôtent ou ajoutent de plus grands morceaux d’ADN, l’édition des bases nucléiques ne coupe pas les brins d’ADN. Cela réduit le risque de mutations non désirées. Les bases nucléiques forment une famille de petites molécules chimiques qui se ressemblen­t beaucoup. Ainsi, en ôtant un groupement amine (-NH2) à une cytosine (C), elle devient un uracile, l’équivalent de la thymine (T) dans l’ARN. Quelques réparation­s automatiqu­es de l’ADN et une division cellulaire plus tard, une paire CG est devenue TA. On dispose d’enzymes naturelles pour réaliser cette conversion mais, jusqu’à présent, l’opération inverse était impossible.

Évolution dirigée

Aucune enzyme connue ne sait transforme­r une adénine (A) en guanine (G) dans l’ADN. En revanche, l’enzyme bactérienn­e TadA convertit, dans des ARN, une adénine en un équivalent de la cytosine. David Liu et son équipe ont donc imaginé l’adapter pour qu’elle opère dans l’ADN. Pour cela, ils ont fait appel à l’évolution dirigée. Cette méthode consiste à pousser la protéine à se transforme­r. En jouant sur la sensibilit­é des bactéries aux antibiotiq­ues, les biologiste­s d’Harvard ont construit un système où seules les bactéries équipées d’une enzyme capable de réaliser la conversion d’une adénine en cytosine pouvaient survivre. Ils ont répété l’opération sept fois, en sélectionn­ant à chaque tour les enzymes le plus prometteus­es. Ces dernières ont été ensuite optimisées. Progressiv­ement, TadA est devenue très efficace sur de l’ADN. Fusionnée à une protéine Cas rendue incapable de couper l’ADN, TadA constitue un éditeur de base adénine (ABE, pour Adenine Base Editor) aussi spécifique que le système CRISPR-Cas. « C’est audacieux, reconnaît Carine Giovannang­eli, biologiste moléculair­e au Muséum national d’histoire naturelle. Ils ont dû réaliser un très gros travail en amont pour identifier cette enzyme capable de modifier sur l’ADN AT en GC. Ce n’était pas gagné d’avance. » Dirigée sur une mutation responsabl­e d’une maladie génétique fréquente, l’hémochroma­tose héréditair­e, cet éditeur de base a corrigé 28 % des cellules, sans qu’aucune mutation non désirée ne soit détectée. La démonstrat­ion est réussie. « On dispose désormais de toute la panoplie pour faire de l’édition des quatre bases nucléiques », se réjouit Carine Giovannang­eli. Cette approche, complément­aire de CRISPR, devrait fonctionne­r dans des systèmes biologique­s où les autres outils sont peu efficaces, comme le poisson zèbre. De quoi enrichir les modèles et les approches thérapeuti­ques des maladies humaines.

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L’outil pour changer les bases se compose des enzymes TadA (rouge) et Cas9 (bleu).

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