La République de Seine-et-Marne (Édition A-B)
L’Opéra Carmen 2.1 : un uppercut COMBS-LA-VILLE. contre les violences faites aux femmes
Le samedi 30 septembre et le dimanche 1er octobre, la Coupole, à Combs-la-Ville, accueille la troupe de Carmen 2.1, un spectacle adapté de l’Opéra de Georges Bizet. À la mise en scène : Sasha Verner. Interview.
Comment avez-vous modernisé l’opéra de Georges Bizet ?
La partition originale est respectée mais j’ai demandé au compositeur argentin Fernando Fiszbein de produire des arrangements qui « sonnent différemment ». Nous avons donc rajouté un clavier électronique, un bandonéon, etc. Il a su saisir la touche latine dans la musique de Georges Bizet.
Pourquoi, selon vous, encore aujourd’hui, une femme qui, comme Carmen, assume ses désirs n’est-elle pas considérée comme une femme bien ?
Tout simplement parce que l’idée continue de se propager sans que personne n’y trouve à redire. Les femmes elles-mêmes sont d’ailleurs très coupables. Dans un groupe d’amies, il est fréquent qu’une femme, parce qu’elle s’est habillée de façon sexy, soit encore jugée comme provocante. Les femmes laissent se véhiculer ce genre de réflexions.
Vous êtes vous-mêmes, une ancienne victime de violences conjugales. Ce spectacle est-il une thérapie ?
Effectivement. J’ai subi des violences de l’âge de 19 ans à 21 ans mais ma phase de reconstruction est récente. Il y a trois ans, j’ai compris que je m’étais attribué un rêve qui n’était pas le mien. Celui de devenir chanteuse. Alors, qu’en fait, depuis petite, je veux monter des spectacles. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de réaliser Carmen 2.1. Je me suis découverte en tant que personne sur le tard. Car avant les violences conjugales, il y a eu les violences familiales. Je n’ai jamais connu autre chose et j’ai dû me construire sur ça. Et, à un moment, j’ai décidé de m’en sortir. Ça donne Carmen 2.1 aujourd’hui car j’ai toujours considéré que l’art était un moyen de dire des choses. Et pas seulement de transmettre une émotion.
Quel est votre message dans Carmen 2.1 ?
Que toutes les femmes peuvent s’en sortir si elles le veulent. J’ai envie de faire évoluer les consciences, sur toutes les formes de violences : le harcèlement au travail, la violence envers les enfants, entre un frère et une soeur, etc.
Vous avez réalisé ce spectacle en partenariat avec le Relais 77, l’association contre les violences conjugales. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
J’ai rencontré et discuté avec ces femmes qui ont été violentées. Je leur ai proposé de monter sur scène pour faire de la figuration. Deux d’entre elles ont accepté. Elles joueront avec le décor et déplaceront les bougies installées sur le sol. Ces lumières reflètent les émotions de Carmen. Le but : symboliser le fait que, dans leur vie, elles ont trouvé la lumière car elles ont été actrices de leur destin.
Aller voir votre spectacle peut-il être considéré comme un acte citoyen ?
En partie. En venant voir
Carmen 2.1, les spectateurs montrent qu’ils ne sont pas indifférents à la question de la violence domestique. Mais l’Opéra reste un divertissement.
Malgré les campagnes de prévention, les condamnations judiciaires, les violences faites aux femmes ne reculent pas. Que faudrait-il faire, selon vous, pour faire évoluer les mentalités ?
C’est un problème d’éducation. Il faudrait tout reprendre à la base, en ne tolérant aucune incartade dès l’école. Mais ça demandera du temps. Quand on voit que les hommes politiques, eux-mêmes, ne montrent pas l’exemple alors que c’est leur rôle. Cécile Duflot s’était fait huer pour sa robe à fleurs, à l’Assemblée nationale. Un autre député avait imité la poule pendant l’intervention d’une élue verte dans l’hémicycle.
Votre spectacle est-il féministe ?
Dans le féminisme, je trouve qu’il y a un côté agressif qui ne me correspond pas. Ce spectacle s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes et montre comment le processus de la violence peut commencer, y compris par les mots.