Toutes les régions décryptées
La météo n’a décidément pas été tendre avec les vignerons français en 2013. Froid persistant, humidité, grêle, rien ne leur a été épargné jusqu’à la période des vendanges ! Pourtant, çà et là, nous avons trouvé et distingué de très beaux vins. Tour de Fra
Soyons francs, le handicap avec lequel est parti le millésime 2013 dans l’esprit des consommateurs – et parfois des dégustateurs – sera bien difcile à combler. Comme d’habitude, c’est Bordeaux et son grand cérémonial de présentation des vins en primeur qui a fxé le tempo début avril. Cette photographie instantanée qui jauge la qualité globale des vins girondins et détermine en réalité le ressenti général du millésime étendu – à tort – à toute la France. Or, le climat bordelais fut, durant une bonne partie du cycle végétatif de la vigne, très défavorable, voire catastrophique, ce qui a pénalisé la qualité des vins. Mais toutes les régions ne doivent pas être logées à la même enseigne, ce serait une énorme injustice. Commençons ce tour de France par les réussites les plus remarquables. Dans la partie septentrionale du vignoble, en Alsace, les grands crus font la diférence. Leurs microclimats et les terroirs tardifs ont permis de conserver un meilleur état sanitaire des raisins, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les vignobles de plaine. Le riesling sort vainqueur de l’année avec, en soutien, une agréable défnition du pinot blanc.
Le petit vignoble du Jura s’en sort plutôt bien, malgré d’intenses soubresauts climatiques. En blanc, si les vins de paille et les château-chalon seront rares, les vins issus de chardonnay se distinguent par leur élégance. Du côté des rouges, le trousseau et le pinot noir surprennent par leur matière colorante. Dans le rayon des vins de massif, le point fort de la Savoie porte sur les rouges, au détriment de blancs jugés très hétérogènes.
Dans la Loire, d’est en ouest, le Sancerrois emporte la mise avec les appellations voisines de Pouilly, Reuilly et Menetou… Ailleurs, de la Touraine au Pays nantais en passant par l’Anjou, c’est un millésime en demi-teinte avec des vins fruités et digestes qui ne sont pas voués à une longue garde.
Beau potentiel en Champagne
Côté Bourgogne, la Côte de Nuits n’ofre pas l’épaisseur des 2012 sur les rouges, mais nous avons été séduits par les beaux équilibres entre acidité, maturité et structure. De plus, le style des vins donne une lecture précise de l’expression des terroirs. Le Beaunois s’en sort très bien, avec des blancs de qualité, à l’inverse de Chablis, plus fragilisé par les conditions climatiques. Enfn, en Champagne, le millésime a été tardif et les terroirs les mieux conduits ont donné des
jus à beau potentiel avec une acidité élevée. Ceux qui n’ont pas millésimé en quantité sur 2012 se rattraperont certainement avec le 2013.
Des condrieus très frais
Sur le front atlantique, le Bordelais déçoit. Les vins sont marqués par de fortes acidités avec des coeurs de bouche amaigris par des vinifcations plus courtes. Il faudra les boire assez jeunes. Exception notable : les sauternes, portés par une belle acidité, ont beaucoup de brio. Dans le grand Sud-Ouest, les blancs sont sur le haut du podium, avec un accessit pour les liquoreux du Bergeracois. Certains rouges – pas tous – sont séduisants, en particulier ceux tirés des cépages tannat et braucol.
Venons-en au Rhône, avec une année tardive dans le nord qui a bénéfcié aux plus belles expositions vendangées avant la mi-octobre. La syrah y est fraîche mais dense, formant un bon cocktail et faisant de ce vignoble l’une des plus belles réussites en 2013. Les blancs de Saint-Péray et Condrieu sont d’une rare fraîcheur, sans alcool dominant. Grande séduction aussi dans le sud du Rhône avec des rouges appétents, parfois puissants et un poil rustiques, mais possédant équilibre et fraîcheur.
L’année du Languedoc
Il faut en réalité gagner l’arc méditerranéen pour parler de grande réussite ! Des blancs de très grande personnalité dominent dans le Roussillon, épaulés par une production de rouges parfumés et expressifs, l’ensemble se montrant très homogène. Qualifé de plus beau millésime depuis 1998, 2013 est l’année du Languedoc, avec des vins riches en sève, en saveurs, au profl juteux. Enfn, la Provence, dont les rouges sont d’un niveau moyen, a produit une masse de rosés (3 % de hausse en volume par rapport à 2013). D’Aix à Nice, privilégiez les blancs ! Côté Corse, on note comme sur le continent un retour à une année tardive. Les rendements plutôt faibles font la diférence, en particulier en Balagne et à Patrimonio. Année fatteuse pour le sciaccarellu au sud.
14 experts mobilisés
2013 impose donc de se montrer très sélectif dans ses choix. Pour vous aider, La RVF a réalisé, comme chaque année, un travail unique de dégustations, de visites, de sélections, et vous livre, pour chacune des grandes régions, pour chacune des appellations, des plus prestigieuses aux plus modestes, un palmarès aussi exclusif que fouillé, résultats d’un mois de travail sur le terrain réalisé par une équipe mobilisée et professionnelle. Nos quatorze journalistes, tous membres du comité
de dégustation de La RVF, ont ainsi arpenté le vignoble afn d’y déguster les premiers échantillons d’un millésime 2013 le plus souvent en cours d’élevage. Au mercato des dégustateurs, Antoine Gerbelle, toujours en charge de la Champagne et du Rhône nord, a renoué cette année avec ses attaches corses, tandis que Pierre Citerne s’est lancé pour la première fois à l’assaut du Languedoc. Tout en gardant sa région natale, l’Alsace, en duo avec le sommelier Romain Iltis, Caroline Furstoss est allée déchifrer les vins de Chablis. Quant à Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde, il a repris d’une main ferme la Côte de Beaune.
Les primeurs, un exercice à part
Déguster un vin en primeur est un exercice bien distinct de celui qui consiste à juger des vins en bouteilles. L’échantillon présenté étant en cours d’élevage, parfois même en cours de fermentation malolactique, le dégustateur doit se projeter dans l’avenir. Il lui faut identifer les plus belles réussites, et surtout percevoir le potentiel du vin, décrypter ses atouts et ses faiblesses, alors qu’il est loin d’avoir acquis son profl défnitif. Un labeur ardu et forcément moins fable que lorsqu’il s’agit de noter un vin “fni”. Ceci explique d’ailleurs l’absence de notes dans ce numéro (sauf pour l’élite des pomerols, lire p. 72) et notre choix de classer les vins en trois grandes catégories : réussites exceptionnelles, grandes réussites et réussites. Seule une nouvelle dégustation du vin après mise en bouteilles permettra de confrmer ou d’infrmer notre jugement.
Hausse des prix en Bourgogne
Donnée essentielle d’un millésime en dehors de sa qualité absolue, le prix des vins est aussi scruté par les acheteurs. Là aussi, la situation difère en fonction des régions. Si Bordeaux afche en primeurs des baisses de l’ordre de 20 % en moyenne, la Bourgogne, où la demande ne cesse de croître et qui fait face à une pénurie de vins, oriente plutôt ses prix à la hausse. La célèbre vente des Hospices de Beaune en novembre dernier avait donné le ton : + 24 % de hausse. Il y a donc fort à parier que les prix des plus belles cuvées s’envoleront. Dans les autres régions, la hausse devrait être plus contenue, même si les quantités disponibles seront faibles. Il faudra donc se positionner rapidement et réserver les vins auprès des meilleurs vignerons qui risquent de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes.
Nous vous souhaitons une excellente lecture, de grandes découvertes et le plaisir d’enrichir vos caves de cuvées qui, dans quelques années, vous apporteront pleine satisfaction. Bonnes dégustations !