La Revue du Vin de France

Bordeaux

Heureuseme­nt, les liquoreux sont là

- Textes et dégustatio­ns d’Olivier Poels, Philippe Maurange, Raoul Salama, Roberto Petronio et Axel Marchal O. Pls

Habitué à vivre des millésimes plutôt tranquille­s depuis une vingtaine d’années, Bordeaux s’est soudaineme­nt rappelé que la nature pouvait être impitoyabl­e. Il faut, en efet, remonter à la décennie 70 pour trouver des conditions climatique­s aussi compliquée­s à gérer. Rien ou presque n’aura été épargné à la région en 2013. Tout a commencé par un printemps très pluvieux entraînant une foraison hétérogène et tardive. Après un été chaud qui a redonné espoir, les mois de septembre et octobre ont été calamiteux, avec un cocktail humidité-chaleur détonnant qui a déclenché une attaque de pourriture jamais vue par sa virulence et sa rapidité. Aucun vigneron n’a pu défnir sa date de vendange en fonction de la maturité du raisin : « Nous avons sauvé ce que nous avons pu » , reconnaît un propriétai­re saint-émilionnai­s. Menacés par le botrytis, les cabernets ont été récoltés une dizaine de jours avant la date optimale, tandis que les merlots, déjà bien attaqués et peu abondants, ont dû faire l’objet de tris très sélectifs. Et comme cela ne sufsait pas, la région doit aussi faire face à l’une de ses plus faibles récoltes depuis le terrible gel de 1991.

La dégustatio­n de ce millésime s’est donc révélée particuliè­rement compliquée, et surtout d’une hétérogéné­ité jamais vue ! Aucun secteur ne peut prétendre s’en être bien tiré ; en revanche, nous pointons tout de même de belles réussites individuel­les. Les grands terroirs et les vignerons les plus travailleu­rs s’en sortent, livrant des vins légers et fns mais gourmands. « Il n’était pas question d’aller extraire des tanins verts ou des faux goûts, il a donc fallu préserver le plus de fruit possible, quitte à faire des vins un peu fuides » , explique un oenologue. Une voie que certains, notamment sur la Rive droite, n’ont pas suivie, élaborant alors des vins secs et durcis par des tanins anguleux. La sélection s’impose donc plus que jamais en 2013.

Dans ce tableau peu réjouissan­t, les vins blancs tirent leur épingle du jeu. Les secs, tout d’abord, sont généraleme­nt très fns et dotés d’une belle acidité. Ils sont aromatique­s et devraient bien évoluer. Quant aux liquoreux, ils représente­nt “la” vraie belle afaire du millésime. Le botrytis est superbe et la fraîcheur des équilibres préservée. 2013 sera pour ces cuvées un très grand millésime de garde, il faut en profter.

Newspapers in French

Newspapers from France