La Revue du Vin de France

Rosés de Provence : une hausse des prix vertigineu­se

Portés par la demande, les rosés voient leurs prix exploser. Et pas seulement ceux des grandes propriétés.

- B. Simmat et A. Goujard

Vincent Bolloré ne sera pas le dernier cador du CAC 40 à ne pas être vigneron. Délaissant les grands crus bordelais, le milliardai­re actionnair­e d’Havas et créateur de la Bluecar a discrèteme­nt parié dès 2005 sur la Provence en s’offrant deux domaines, la Bastide Blanche et surtout la Croix. Avec, comme de coutume, un sens certain des afaires : cet été, les équipes du Breton lancent un “super-rosé” répondant au nom pompeux d’Organdi, vendu à un prix plus élevé que nombre de grands vins : 22 € la bouteille !

Tsars du rosé

Les rosés provençaux sont si à la mode que leurs tarifs s’envolent. Les belles marques telles Sainte-Roseline, Ott, la cuvée Rose et Or de Minuty ou Bellet franchisse­nt la barre des 20 €. Le rosé Pierres Précieuses du domaine Croix-Rousse n’a jamais aussi bien porté son nom : la cuvée est passée de 16 à 23 €. Château La Malherbe ? En trois ans, il a flambé de 14 à 19 €, comme le rosé de La Bégude (de 15 à 20 €).

De nouveaux tsars du rosé émergent, qui imposent leur vin dans l’univers du luxe. Alexis Sacha-Lichine a fait passer son « rosé le plus cher du monde » , le fameux Château d’Esclans, de 80 à 90 €. Quant au Russe Alexei Dmitriev, copropriét­aire de La Martinette, il a d’entrée de jeu positionné sa cuvée Aurore sur la Moskova à 29,90 €.

Des rosés au prix de vins rouges de garde ? Les vignerons traditionn­els n’en reviennent pas. « Nous valorisons le rosé de

En 2013, le cours du vrac a bondi de 18 %

Bandol, ce n’est pas un crime. À mon avis, les prix n’ont pas fini d’augmenter » , assume Reynald Delille, du domaine de Terrebrune.

L’argument ulcère les vignerons des autres régions. Le rosé représente en efet une bouteille sur cinq vendues en France. Un enjeu considérab­le. « Fixer des prix à la hausse parce que c’est une mode, c’est spéculer sur la bouteille. Les consommate­urs fniront par se lasser » , avertit Christophe Delorme, du domaine de la Mordorée, à Tavel.

« Dire rosé aujourd’hui, c’est dire Provence. Mais quel ennui ! Quel goût uniforme ! Seul 1 % des rosés de Provence sort de l’ordinaire » , assène Alain Brumont, célèbre producteur de Madiran, qui réplique avec un rosé gascon à… 6 €. Un projet d’IGP Rosé du Sud-Ouest a même été lancé pour contrer les Provençaux sur le marché français.

Certes, la réussite économique est incontesta­ble. La Provence pèse 1,2 milliard d’euros de ventes ! Elle a doublé ses exportatio­ns en volume, et quadruplé en valeur. Le cours du vrac s’enfamme : + 18 % sur les 2013. Les cuvées issues du négoce fleurissen­t :M de Minuty, Les Domaniers Sélections Ott… « Nous sommes obligés de répercuter cette hausse » , admet Aurélie Bertin, du château Sainte-Roseline, dont les deux tiers de la production proviennen­t du négoce. À méditer.

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Le domaine de la Croix, près de Saint-Tropez. Vincent Bolloré veut y produire un rosé de luxe.

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