Art & enchères, par Corinne Lefort
Un siècle s’identifie à son art. Le XIXe fut celui de l’illustration, dont les meilleurs représentants furent le caricaturiste Honoré Daumier, le dessinateur et photographe Charles Albert d’Arnoux, dit Bertall, et l’illustrateur Gustave Doré. Livres, lithographies, estampes et gravures originales comportant leur signature atteignent des sommes conséquentes, notamment celles qui mettent en scène les plaisirs du vin.
Il faut ainsi débourser 800 à 1 000 euros pour acquérir chez un bouquiniste spécialisé un très bel exemplaire, datant de 1854 et édité par J. Bry aîné, du premier tirage de l’oeuvre de Rabelais illustré d’une centaine de figures sur bois, dont un frontispice et quatorze grands sujets hors texte par Gustave Doré. Et un premier tirage de l’ouvrage La Vigne, voyage autour des vins de France, illustré d’un frontispice, de 94 planches et de plus de 400 dessins de Bertall, dont les amateurs connaissent l’oeuvre revêt une importance capitale dans la reconnaissance culturelle, géographique et ampélographique du vignoble de France, trouvera aisément preneur pour 350-400 euros.
De son vivant, Gustave Doré bénéficiait déjà d’une grande notoriété, fréquentant la cour impériale de Napoléon III et les salons mondains de Londres. La bourgeoisie d’affaires et les administrateurs des riches colonies lui inspirèrent moult caricatures de trognes repues. Mais Gustave Doré se voulait aussi le témoin de la misère qui règnait dans les villes industrielles par ses dessins de femmes et d’hommes pris de boisson afin de mieux supporter les rigueurs de l’hiver.
Ces illustrateurs furent plus que des artistes. Ils contribuèrent à forger, par l’image, la responsabilité sociale et politique des élites. Estampes et lithographies servirent leur cause en étant diffusées à des milliers d’exemplaires. D’où l’importance de connaître le nom du graveur et de l’imprimeur à qui les maîtres de l’illustration confièrent la reproduction de leurs sujets. Outre la qualité de l’impression, il est aussi important de savoir si la matrice a depuis été détruite ou archivée afin de limiter le nombre de tirages du croquis original.
Ceux qui ont manqué l’exposition sur Gustave Doré au Musée d’Orsay à Paris peuvent se rattraper en profitant d’un voyage au Canada où se tient, du 12 juin au 14 septembre 2014, au Musée des Beaux-Arts d’Ottawa, la manifestation en son honneur.