Vin & éco, par Benoist Simmat
Les Émirats Arabes Unis dévoilent un marché prometteur pour le vin français.
Dans des principautés arabes où la religion donne le la et où les (rares) amateurs de vin ont parfois besoin d’une “licence” pour consommer, difficile d’imaginer que les grands crus français puissent trouver un marché d’avenir.
Et pourtant, les exportations de nos grands crus bordelais, bourguignons ou champenois y augmentent de manière spectaculaire. Égales à zéro il y a vingt ans, elles pourraient bientôt dépasser les 100 millions d’euros dans les seuls Émirats Arabes Unis (voir graphique). Les grandes étiquettes, équivalentes à d’irrésistibles marques de luxe pour les palaces et restaurants étoilés, s’y taillent évidemment la part du lion. Et il est vrai que l’on boit ferme dans tous les cinq étoiles de Dubaï, qui comptent parfois sept ou huit restaurants haut de gamme !
Cette tendance n’a pas échappé au Bordelais Jean-Luc Thunevin, inventeur de la marque commerciale Bad Boy et négociant avisé. Conseillé par ses importateurs locaux, il lance une version “blingbling” de sa cuvée Bad Boy : Ç Ils voulaient distribuer Bad Boy, mais trouvaient le prix [entre 15 et 20 €, ndlr] trop bas. Je leur ai donc inventé un Bad Boy Gold sur mesure, ˆ déguster immédiatement, et quatre fois plus cher ! È, s’amuse Thunevin. Bad Boy Gold se présente sous la forme d’une bouteille dorée remplie du millésime 2004 et qui se vendrait la bagatelle de 100 dollars sur les belles tables d’Abou Dhabi ou de Dubaï. Nul doute que le trublion de SaintÉmilion va donner des idées à ses voisins.
Les propriétaires des grands crus découvrent en effet qu’ils ont des clients dans le Golfe. Ç Quand jÕai obtenu le détail de mes exportations de Corbin, jÕai découvert que les Émirats et le Qatar pesaient 5 % de mes ventes ! È, s’étonne Anabelle Cruse-Bardinet, propriétaire du château Corbin. Dans le seul État du Qatar, le vignoble français exporte autant de vins que de bijoux. Aux Émirats, les grands crus bordelais trustent 60 % du marché. Et si les émirs en venaient à imiter les milliardaires chinois en achetant leurs propres vignobles en France…