Cahors et le Lot Le black en majesté
Les vins noirs de Cahors ont puisé leur richesse du Lot, dont les méandres ont dessiné ce terroir spectaculaire qu’il faut apprécier en suivant le cours de la rivière.
Comme un serpent qui fle au fond de la vallée creusée dans le calcaire, le Lot est cette rivière qui a transformé le vin noir d’ici en or. En mère nourricière, elle a fait la fortune des vignerons installés dans ses boucles et forgé le caractère bien trempé, aux accents rocailleux, de ce vin du Sud-Ouest. Sur les rives du Lot, le calcaire et le malbec ont toujours fait bon ménage pour assurer la prospérité historique de la région. Il suft de suivre son cours, depuis Cahors, et remonter le temps pour s’en rendre compte.
LE VIN DES ROIS
Car le fameux vin noir de Cahors, ce “black wine”, comme disaient les Anglais dès le Moyen Âge, fut pendant des siècles le vin des rois. Celui dont François 1er se délectait, celui que Pierre le Grand de Russie imposa à l’Église orthodoxe et celui qu’Alexandre Dumas et Téophile Gautier célébrèrent dans leurs romans. Mais le phylloxéra a eu raison de ce vignoble historique qu’il décima totalement à la fn du XIXe siècle. Ce n’est qu’à partir de 1947 qu’une poignée de vignerons relance la production et obtient l’AOC Cahors en 1971. Depuis, l’appellation reprend le fl de son histoire et se réapproprie son terroir. Et depuis une bonne dizaine d’années maintenant le vin de Cahors change peu à peu de visage. Il quitte son côté rustique et opulent pour révéler plus de fnesse, avec un fruité que l’on imaginait pas de la part du malbec. Au-delà de sa couleur noire, il se civilise. Il est donc temps de descendre le Lot. En bateau, gabarre ou canoë, les possibilités sont multiples pour parcourir les 75 km de rivière navigable, entre Cajarc et Puy-l’Évêque, le temps d’une journée ou d’une semaine, et voguer à la rencontre de ceux qui écrivent son histoire et racontent à merveille ce riche passé. Dès le Moyen Âge, les vins de Cahors s’imposent. À tel point qu’en 1310, ils représentent la moitié des exportations du port de Bordeaux. Et pour se protéger de ce succès grandissant, la capitale girondine, qui centralisait alors les exportations de vin du “Haut-Pays” (ceux situés en amont de Langon sur la Garonne), décide d’instaurer une taxe sur ces vins concurrents. Aujourd’hui, aller à la rencontre des vestiges qui témoignent de cette prospérité, c’est débuter un voyage au fl du Lot. Petits producteurs et grands châtelains s’attachent à raconter cette histoire du vin noir de Cahors. En descendant le Lot, en direction de PuyL’Évèque, les châteaux et forteresses imprenables se succèdent. Place forte pour contrôler la rivière et freiner les éventuels envahisseurs, Mercuès, sur son éperon rocheux, est aujourd’hui un luxueux Relais & Châteaux, producteur de vins. En contrebas, le château Lagrézette, appartenant à Alain-Dominique Perrin (ancien pd-g de Cartier), est le plus ancien producteur de malbec. Le cépage emblématique de Cahors y est cultivé depuis cinq siècles.
Visiter le domaine et son spectaculaire chai creusé dans la roche est tout à fait possible sur rendez-vous. Juste à côté, il ne faut pas manquer les vins de Pierre Pradel. L’ancien directeur commercial de Lagrézette a repris la suite de son père et cultive 7 hectares pour produire un cahors rond et fruité, d’une tendresse incroyable (cuvée Vendémia), et sur le fruit en ce qui concerne la cuvée Le Clos. L’homme est aussi conteur occitan et n’hésite pas à réciter quelques poèmes en langue d’oc. Non loin de là, il est aussi possible de faire une pause au Vinois. Ce restaurant admirablement tenu par le chef Jean-Claude Voisin propose une belle carte des vins de la région. Et pour les passionnés, le chef donne même des cours de cuisine durant une demi-journée (95 € le cours et le repas dégustation).
D’UN CHÂTEAU L’AUTRE
En aval, dans la boucle formée par le Lot autour de Parnac, il suft de descendre rive gauche depuis le ponton communal pour aller à la rencontre des vignerons du village, et notamment de Dominique et Richard Ressès propriétaires du château la Caminade. Le domaine s’étend sur deux terrasses sur lesquelles les deux frères se feront un plaisir de vous conduire. Ici, on prend la mesure des variétés de sols qui composent le terroir de Cahors, et des microclimats générés par les boucles de la rivière. Face au château la Caminade, l’on peut observer la petite route départementale comme s’accrochant à la falaise calcaire, telle une cicatrice, vers le col de Crayssac, à 291 m d’altitude. De cet endroit, la vue sur la vallée du Lot est stupéfante. En contrebas, sur la rive droite du Lot, face au ponton de Parnac, le château de Cayx domine. Pour accompagner ce vin des rois, il fallait bien une reine. Cahors l’a trouvée en la personne de Margrethe II du Danemark, mariée au français Henri de Laborde de Monpezat, originaire de la région. En 1974, ils acquièrent le château alors en triste état et lancent une vaste campagne de restauration. Aujourd’hui, le château est ouvert au public. Et lorsque la reine est sur place, son étendard fotte au vent, comme au temps où Cahors était le vin des monarques d’Europe.