Bordeaux par son fleuve
Le port de Bordeaux connut son âge d’or au XIXe siècle notamment grâce au commerce du vin girondin, lui offrant ainsi un rayonnement considérable à travers le monde. Le musée d’Aquitaine consacre aujourd’hui une salle à cette épopée marchande et culturell
Dans la lumière claire d’un matin plein d’espoir, les forces se concentrent sur la berge du feuve. Une foule d’hommes et de bêtes s’activent. Des dizaines de bateaux mouillent, en attente de charger ou décharger leur marchandise. Les ballots sont portés par une multitude de dockers et les barriques sont roulées vers des barques. Bordeaux semble entièrement tourné vers son port comme si son avenir en dépendait. En cette première moitié du XIXe siècle, le port de la Lune est à l’orée d’une véritable expansion économique tournée vers l’outre-mer, grâce au commerce des épices, du rhum et du sucre. Il est le poumon de la ville. Il devient même, grâce à l’aménagement des quais, d’entrepôts, de bassins à fots, le plus important site de construction navale de bateaux à vapeur. Un essor admirablement mis en scène dans une nouvelle exposition, réalisée par le musée d’Aquitaine, qui se tient depuis le 1er mars et inaugurant une nouvelle salle de 600 m2 dédiée à ce siècle lumineux où tout semble réussir à Bordeaux. L’exposition “Bordeaux, port(e) du monde” s’intéresse à cette période clé allant de 1800 à 1939, où le port permit l’exportation des vins de Bordeaux et leur succès à travers le monde : tableaux, photographies, flms, maquettes, reconstruction d’une épicerie de 1930 – qui montre la création de marques alimentaires générées par l’importation de produits exotiques. Par à une muséographie très moderne et interactive, on se fgure ce passé qui nous semble alors si proche.
PAR LA MER
Mais hors du musée, que reste-t-il de cette relation très forte entre le vin, le port et ce passé maritime ? Depuis une bonne dizaine d’années, les initiatives se multiplient pour redonner à la capitale girondine sa dimension portuaire, aidées en cela par le réaménagement des quais transformés en espaces verts et de promenade. Les paquebots reviennent accoster face à la place de la Bourse. Et le nouveau pont levant Jacques Chaban-Delmas est devenu le nouveau symbole du retour vers l’Océan. Du côté du vignoble, les visiteurs ne sont pas en reste car les initiatives se multiplient de la
part de nouvelles compagnies maritimes qui proposent à présent de découvrir les diférentes appellations viticoles en remontant le feuve depuis Bordeaux. Mais les grands paquebots déversent leurs armées de touristes anglo-saxons, russes, italiens… seulement sur le port de la Lune, lesquels ne croisent que de loin en loin les crus classés du Médoc sans avoir la possibilité de descendre à Pauillac ou Margaux. Mais de plus petites compagnies proposent différentes formules pour un large public.
PAR LA GARONNE La société Croisieurope, spécialiste du tourisme fuvial propose une croisière-excursion d’une semaine depuis Bordeaux, dans les vignobles du Médoc, du Blayais, de Saint-Émilion et de Cadillac en navigant sur l’estuaire de la Gironde, la Dordogne et en remontant la Garonne vers Langon. Si cette initiative permet de découvrir la région dans sa dimension patrimoniale (citadelle de Blaye, village de SaintÉmilion), le vin est relégué au second plan. Très peu de visites de propriétés sont proposées dans cet itinéraire. Comptez environ 559 € pour cinq jours de croisières. Cette année, les sociétés anglo-saxonnes Uniworld et Viking, deux nouveaux acteurs, se sont positionnés sur ce créneau en proposant des croisières plus haut de gamme, avec un plus grand nombre de visites de propriétés, dont un premier cru classé à Saint-Émilion et un cru classé à Sauternes. Toutefois, les visites se font exclusivement en anglais. Et la dimension de ses navires pouvant accueillir près de deux cents passagers dans un confort luxueux entretient une certaine distance avec le feuve et le paysage viticole. Pour renouer ce lien entre le feuve et le vin, Bordeaux River Cruise, une compagnie bordelaise rassemblant des passionnés de l’estuaire, a initié des croisières oenologiques, sur des bateaux plus modestes, à la journée ou à la demi-journée. Au départ de Bordeaux, la navigation commence par une dégustation commentée des vins du Médoc, Haut-Médoc et Bordeaux Supérieur à bord du bateau et se poursuit par la découverte des rives du Médoc. On découvre que plusieurs crus classés possédaient leur port, comme Beychevelle, ou plus au nord, Loudenne. Ce qui permettait de charger les vins directement dans les navires. La croisière se poursuit par un déjeuner avec accords mets et vins, toujours à bord du bateau.
PAR L’ESTUAIRE Ensuite, une escale à lieu sur l’île de Patiras, située au milieu de l’estuaire de la Gironde, face à Pauillac. Ce changement de perspective entre deux eaux permet de mesurer l’importance du feuve comme voie de navigation. La puissance des courants est impressionnante. À cet endroit, l’estuaire fait déjà près de 5 kilomètres de large. L’eau douce et l’eau de mer se brassent et se mélangent incessamment. Puis, à partir du port de Pauillac, la balade se poursuit sur la terre ferme, en bus, sur la route des châteaux pour traverser les appellations du Médoc. La journée se termine par la visite d’un domaine viticole et une dégustation des crus de la propriété, avant de rentrer à Bordeaux. Compter 105 € à 145 € la croisière par personne. La compagnie, propose également tous les jours, en saison, en fn de journée, et pour 18 € par personne, une balade sur le feuve d’une heure et demi en compagnie d’un vigneron de Blaye ou de Bourg. Cette balade est suivie d’un apéro vigneron très convivial face au port de Bordeaux. Manière élégante de retrouver ce port plus civilisé que jamais.