La vigne, un symbole incontournable
Si l’usage des musulmans à ne point consommer d’alcool est sujet à de ferventes discussions et interprétations du Coran, on ne saurait oublier les nombreuses représentations de vignes et de raisins dans l’art omeyyade, abbasside et ottoman. Certaines communautés, bien que très pieuses, ayant été, selon les époques, jusqu’à enluminer de scènes bachiques poèmes et livrets de contes traditionnels.
La grande diversité des supports, décorés de pampres est donc bien une part intrinsèque et identitaire de la civilisation islamique. Elle permet aujourd’hui à des collectionneurs fortunés, soucieux de préserver un patrimoine fragilisé, d’acquérir des pièces exceptionnelles. Parmi elles, des céramiques d’Iznik, réputées pour leur bleu cobalt et turquoise, de la vaisselle de Tabriz, dont l’éclat des pigments rehausse la finesse des décors. Dans d’autres contrées, seront recherchés des panneaux anciens de mosaïques de Bursa ou des étoffes en soie du Turkménistan comportant des motifs de raisins brodés au fil d’or. Quant aux parchemins sur lesquels figurent très lisiblement sourates ou simples refrains vantant le partage et l’amour du vin, leur valeur est devenue inestimable. Dès lors, la qualité et le niveau des enchères sont en constante progression. En mai 2011, la maison de ventes Aguttes adjugeait chez Drouot, à Paris, un magnifique grand plat d’Iznik aux contours égayés de pampres de vignes, pour la rondelette somme de 60 019 €. L’heureux bénéficiaire : un acheteur étranger souhaitant garder l’anonymat. Il y a encore une dizaine d’années, un tel niveau de transaction aurait été impensable.
L’intérêt du monde musulman pour des créations aux décors de vigne ne date cependant pas d’hier. Bien avant la fondation, en 661, du califat omeyyade à Damas, Byzance avait fait de la vigne un symbole esthétique incontournable. Déjà poteries, tapisseries et décors muraux s’enjolivaient de motifs végétaux, un art très usité repris par la suite dans la culture islamique. Aujourd’hui, l’ornement de feuilles de vignes pliées ou étalées se perpétue sur des ustensiles du quotidien. Les petits verres colorés dans lesquels on boit le thé comportent souvent de fines gravures ciselées de raisins dorés. La bijouterie et l’orfèvrerie familiales ne sont pas en reste. Émaux et plateaux argentés, que s’offrent et s’échangent les familles aux cours des noces et fêtes familiales, s’évaluent aussi à la richesse de tels décors.
Ainsi, dans la plupart des pays de confession musulmane, la vigne demeure populaire au travers de l’art.