La Revue du Vin de France

Libre parole,

L’AMOUR DU VIN À L’ÎLE MAURICE

- par Jean-Robert Pitte

JEAN-ROBERT PITTE EST PROFESSEUR DE GÉOGRAPHIE À LA SORBONNE, MEMBRE DE L’INSTITUT ET PRÉSIDE L’ACADÉMIE DU VIN DE FRANCE. IL A PUBLIÉ LE DÉSIR DU VIN À LA CONQUÊTE DU MONDE (FAYARD, 2009), L’AMOUR DU VIN (CNRS ÉDITIONS, 2013) ET LA BOUTEILLE DE VIN, HISTOIRE D’UNE RÉVOLUTION (TALLANDIER, 2013).

Laissez-moi vous conter une singulière et belle histoire d’amour du vin. Celle de Preetam Hoolooman, un souriant Mauricien de 40 ans qui descend de coolies indiens arrivés du Bihar au XIXe siècle, d’où son nom qui est la déformatio­n de Hanoumân, le dieu singe hindou. Il est devenu un connaisseu­r et un amateur passionné de tous les vins de la planète. Chez ses parents, on buvait de la bière et des pseudo-vins de goyave ou de lychee, mais pas de vin de raisin, un luxe réservé aux riches Franco-Mauriciens. Après ses études secondaire­s, il travaille comme serveur dans plusieurs restaurant­s et grands hôtels, et s’initie au “vrai” vin en écoutant les clients qui s’y connaissen­t, puis en goûtant scrupuleus­ement les fonds de bouteille. Tout en se faisant du bien, il acquiert ainsi sur le tas un savoir encyclopéd­ique. Sa réputation lui vaut en 2012 la propositio­n du directeur du superbe Softel Mauritius L’Impérial de devenir le premier sommelier mauricien et de composer pour l’établissem­ent une carte des vins sérieuse. Il s’y attelle, et son choix se porte sur 200 références d’une dizaine de pays diférents, surtout de France et d’Afrique du Sud. Celles-ci sont proposées à des prix proches de ceux pratiqués par les restaurant­s français, allant de 30 euros pour un honnête assemblage rouge sud-africain de Western Cape jusqu’au millier d’euros pour les premiers grands crus bordelais.

Il a beaucoup réféchi aux vins qui se marient le plus voluptueus­ement avec les caris, rougails et autres compositio­ns épicées ou avec le cerf de Java, abondant sur l’île. Ses préférence­s du moment : le Kaapzicht (pinotage) de Stellenbos­ch en Afrique du Sud, le Penfolds Grange (shiraz) de Nouvelle-Galles du Sud en Australie, le Montes Purple Angel (carmenère) de la vallée de Colchagua au Chili et, en France, le superbe minervois Domus Maximus (syrah et grenache) du domaine Massamier La Mignarde. Je lui conseille aussi d’essayer certains blancs tels les grands crus issus de complantag­e de Jean-Michel Deiss dont le caractère “main de fer dans un gant de velours” peut tenir tête au piment, au curcuma, à la coriandre, au clou de girofe, au gingembre des sauces de l’océan Indien. Sans oublier les splendides juras issus de savagnin, un arbois de chez Jacques Tissot ou Jacques Pufeney, un côtes-du-jura jaune du château d’Arlay ou un château-chalon de Jean et Laurent Macle.

Mais il y a bien d’autres caves aux trésors à Maurice, dans les meilleurs des 116 hôtels du pays (Four Seasons, Saint Géran) ou dans deux restaurant­s qu’il faut impérative­ment fréquenter si l’on passe des vacances dans la belle île de France : le Moustache de JeanPierre et Stéphane Lenoir, à Rivière Noire, des importateu­rs de bons vins français et sudafricai­ns, et le Whatever, ouvert à Tamarin par Alain et Véronique Guinaudeau. Ils ont quitté un bar à vins à Toulouse et préparent une belle cuisine d’inspiratio­n française à partir des meilleurs produits mauriciens, escortée de 120 références de vins français remarquabl­ement choisis et commentés, de plus proposés à des prix amicaux.

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