La Revue du Vin de France

Cyrille et Étienne Portalis au château Pradeaux, à Bandol

À Pradeaux, père et fils partagent la même vision du grand vin rouge de Bandol, celle d’un mourvèdre puissant et élégant, élevé trois ans en vieux foudres à déguster pas avant dix ans.

- Texte et photos de Florence Bal

L’allée de vieux oliviers taillés au carré s’étire au milieu des vignes. Au loin, à l’ombre d’un immense pin parasol, se dessine l’ancienne demeure, murs ocre et volets verts écaillés. À Saint-Cyr-sur-Mer dans le Var, château Pradeaux est un pilier historique de l’appellatio­n Bandol, terre de prédilecti­on du mourvèdre. L’air marin – la Méditerran­ée est à 800 mètres à vol d’oiseau – tempère la chaleur et lui permet de mûrir lentement et pleinement.

À la tête de 19 hectares de vigne, Cyrille et Étienne Portalis, le père et le fls, sont les gardiens d’une tradition qui s’émousse. En 1983, Cyrille a repris le domaine relancé après-guerre par sa grand-tante Arlette Portalis. Diplôme d’ingénieur viti-vinicole en poche, son fls Étienne l’a rejoint en 2010. « J’étais programmé pour revenir, je n’ai jamais pensé à autre chose. J’y suis et j’y suis pour un moment » , assène Étienne.

Ici, partout le temps a laissé ses stigmates. Dans une pièce, témoin d’un certain lustre passé, figure en bonne place un tableau monumental de l’illustre ancêtre : Jean-Étienne-Marie Portalis, avocat au barreau d’Aix, ministre de Napoléon et l’un des rédacteurs du Code civil français. La fierté de la famille. « Le poids historique réel des génération­s engendre un devoir de mémoire même s’il importe de toujours regarder vers l’avenir » , souligne Étienne.

La philosophi­e du domaine ne dément pas l’impression surannée qu’il laisse. « Ici, on aime les vieux vins d’au moins 20 ans, affirment père et fils. On élabore des vins de garde prêts à défier le temps. On fait partie des derniers dinosaures à avoir conservé les méthodes traditionn­elles. » Les raisins ne sont pas éraflés, les macération­s sont longues, d’un mois à un mois et demi. Le vin se patine lentement lors d’un élevage très long jusqu’à trois ans en vieux foudres. «Un grand vin rouge de Bandol, c’est l’équilibre, beaucoup de puissance et d’élégance, poursuiven­t-ils. Nos vins sont très délicats à appréhende­r dans leur jeunesse. » Prière de ne déboucher aucun flacon avant dix à quinze ans de garde pour les apprécier à leur juste valeur.

Le vent du changement

Les Portais ont toutefois commencé à sacrifier à la modernité. Dans leur délicieux second vin, la cuvée Le Lys de château Pradeaux, ils éraflent les deux tiers du mourvèdre, extraient moins avec des cuvaisons courtes. « Les goûts changent, expliquent-ils. Les amateurs apprécient la matière mais avec moins de tanins, et des tanins moins agressifs. » Les voilà donc en marche vers un vin accessible plus rapidement.

« À Bandol, nous élaborons également de très beaux rosés » , enchaînent père et fils. Des rosés de gastronomi­e, gras, amples à attendre, à ne surtout pas déguster en plein été. « Pour des raisons économique­s, Bandol vire de plus en plus au rosé, mais on n’en parle pas, confient-ils… C’est presque un sujet tabou sur cette terre où les rouges dominent. » Pourtant, « un vieux bandol rosé sur un homard grillé, c’est terrible » , affirme Étienne. Et «un vieux Château Pradeaux rouge sur une bécasse à la provençale, c’est inoubliabl­e » , complète Cyrille.

Fin septembre 2014 est attendu le Château Pradeaux 2010, un grand millésime, puissant et élégant. « Le suivant le sera moins » , confie Cyrille. Alors profitons-en.

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