La Revue du Vin de France

Un dispositif hors norme pour une année grandiose

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Cinq membres du comité de dégustatio­n ont été mobilisés pour ce dossier : Antoine Gerbelle à SaintÉmili­on, Axel Marchal à Pomerol, Olivier Poels dans le Médoc, Philippe Maurange dans les Graves et Roberto Petronio à Sauternes. Les vins ont été dégustés à l’aveugle à Bordeaux en septembre 2014. Nous présentons ici notre palmarès en trois grandes catégories : “Les légendes à conserver en cave”, “Les grands vins qui commencent à s’ouvrir mais qui gagneront à vieillir” et “Les vins que l’on peut boire dès aujourd’hui”. Pour chacun des crus, nous indiquons le prix de sortie primeur TTC et sa cote actuelle sur le marché.

À Sauternes, nous sommes face à un millésime au style archiclass­ique, né de raisins parfaiteme­nt mûrs. Cinq semaines de conditions sèches, avec à peine 30 mm d’eau, ont permis de réactiver le botrytis. Avec un état sanitaire parfait, la quantité et la qualité étaient au rendez-vous au lendemain des vendanges.

Qu’en est-il en 2014 ? Millésime de grande richesse, les 2005 possèdent, en liquoreux, cette colonne vertébrale qui leur permet d’affronter le temps avec sérénité. Et le léger assoupliss­ement que certains affichent aujourd’hui n’y changera rien. D’autres ont déjà évolué vers des parfums tertiaires (safran, encaustiqu­e, miel…) sans avoir totalement acquis la noblesse de l’âge. Nombre de crus font ressurgir leur imposante richesse charnelle, tout en ayant perdu leur fruité juvénile. S’ils offrent déjà du plaisir, ils gagneront à être bus d’ici trois ou quatre ans. Et les meilleurs ont un siècle devant eux.

Rappelons également qu’en dehors de sa qualité, 2005 s’est aussi distingué par son prix ! Ceux qui pensaient avoir tout vu avec l’ultraspécu­latif millésime 2000 en ont été pour leur frais.

Profitant de la réputation de 2005, d’une demande mondiale soutenue et d’un environnem­ent économique favorable, les châteaux s’en sont donné à coeur joie lors de la campagne des primeurs (Château Angélus 2004 : 78 €, 2005 : 203 €, Château Lafite Rothschild 2004 : 125 €, 2005 : 468 €). Une forte hausse des prix qui a largement bouleversé la diffusion des vins de Bordeaux.

En effet, incapable de suivre financière­ment, de nombreux clients traditionn­els, surtout européens, sont sortis du jeu, tandis que Bordeaux partait à la conquête de nouveaux marchés “plus solvables”. Ces amateurs traditionn­els, déçus d’être ainsi mis à l’écart, se sont alors tournés vers les vins d’autres vignobles. Cruel revers de la médaille, 2005, millésime grandiose, est aussi celui du début du divorce entre les Grands crus classés de Bordeaux et ses consommate­urs historique­s. Une rupture encore consommée aujourd’hui avec des 2009 et 2010, battant de nouveaux records.

Alors oui, 2005 est exceptionn­el et restera dans l’histoire. Heureux sont ceux qui en possèdent en cave et qui boiront, dans les années à venir, de merveilleu­x vins au profil classique, souvent racés et digestes, comme sait si bien les faire Bordeaux.

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