La Revue du Vin de France

À PÉKIN, LE BAR À VINS DU 8ème

- DENIS SAVEROT

Il se passe de drôles de choses à Pékin. Connaissez-vous Chaoyang ? Ce quartier historique de la capitale chinoise, proche du deuxième périphériq­ue (la ville en compte six), abrite palais du pouvoir et tours brillantes. C’est là que sont implantés les médias, les grandes ambassades et surtout les sièges des groupes financiers, industriel­s, proches du pouvoir “communiste”, autrement dit les vrais maîtres de la Chine.

C’est là qu’est installé le premier groupe de magazines privé chinois, SEEC Media Group. Une entité puissante en Asie, avec son titre économique Caijing (l’équivalent chinois de Te Economist), les éditions chinoises de la Harvard Business Review et de Sports Illustrate­d ou l’hebdo de loisirs Time Out Beijing. C’est aussi là, à Chaoyang, que le groupe SEEC concocte en liaison avec nous la version chinoise de La Revue du vin de France, appelée là-bas La Voie du vin (en mandarin, Hua Jiu Fang).

Eh bien, savez-vous quoi ? Les dirigeants de SEEC ont développé en trois ans et demi un intérêt si vif pour le vin, synonyme d’art de vivre, de raffinemen­t et riche de promesses économique­s, qu’ils vont ouvrir un bar à vins dans la Prime Tower, siège du groupe, sur l’avenue Chaoyang Men Wai. Au 8ème étage exactement, onze étages sous la rédaction de Caijing (19ème étage), trois étages sous la présidence du groupe (11ème étage), deux étages au-dessus du bureau de la Sopexa, vitrine française de l’alimentair­e, du vin et de l’art de vivre.

Le puissant fondateur et président de SEEC Media Group, Wang Boming, fls d’un ex-ministre des Afaires étrangères, et son numéro deux, le très francophil­e Dai Xiaojing (sa femme Jie et ses belles-soeurs Liu Qian et Lan sont venues étudier en France), soutiennen­t activement l’idée de ce bar à vins au sein de l’entreprise. Et c’est l’ancienne directrice marketing de La RVF Chine, Wang Lan (les étrangers l’appelent Yana), qui pilote l’aménagemen­t du lieu.

Le groupe SEEC voit dans ce futur showroom dédié au vin un outil pour séduire ses clients et peut-être aussi une façon de motiver ses équipes. La palette des vins servis s’annonce variée : des vins de Chine bien sûr, des provinces du Ningxia et du Shanxi, des bordeaux et bourgognes, des vins d’Espagne et d’Italie, d’Afrique du Sud, d’Australie, du Chili et de Californie.

Désormais, c’est là que mon ami et homologue Lin Libo, directeur de La RVF Chine, viendra fnaliser l’avancée de ses derniers projets, un verre de Château Lynch-Bages à la main (il adore ce cru classé). Ses projets ? Citons, entre autres, la base de données pour smartphone des vins les plus vendus en Chine, une applicatio­n pour vérifer l’authentici­té du vin via une photo de l’étiquette, le concours du meilleur vin chinois, la prochaine dégustatio­n de vins chinois à Vinexpo Bordeaux, des dîners ultra chics avec de grands châteaux bordelais et les formations “eMBA” au vin.

Pourquoi raconter cette histoire ? Parce qu’elle nous confrme que la passion de la Chine pour le vin est puissante et durable. C’est aussi, pour nous, l’occasion de poser une question : quand, en France, un grand groupe aurat-il l’audace d’installer un bar à vins fns au coeur de son siège et d’en faire une vitrine de son activité ? L’afaire est plus risquée qu’il n’y paraît. Un récent décret ofciel, publié le 3 juillet dernier au JO, permet désormais d’interdire toute consommati­on de boisson alcoolisée dans l’entreprise, y compris le vin qui était jusqu’ici autorisé. Ofcielleme­nt, il s’agit de lutter contre les risques liés aux “pots de départ”. Pour tous les amoureux du vin, c’est une illustrati­on de plus de l’art très français de se tirer une balle dans le pied.

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