La Revue du Vin de France

Le cercle des cépages disparus

- Reportage et dégustatio­n de Pierre Casamayor

Depuis plus de vingt ans, Patricia Boyer-Domergue se dévoue avec ferveur au service de ce très ancien vignoble du Minervois. Elle réussit à créer ici des vins originaux et fins.

Ce sont des cépages à la c… ! » répondit Pierre Galet, le pape de l’ampélograp­hie, à Patricia Boyer-Domergue qui l’interrogea­it un jour sur la pertinence de replanter les vieux cépages languedoci­ens disparus.

On peut en effet se demander pourquoi, après la catastroph­e phylloxéri­que, les anciens cépages autochtone­s n’ont pas été réintrodui­ts dans le vignoble. Car grenache, carignan et mourvèdre qui règnent aujourd’hui en maître sont tous des cépages espagnols, et l’envahissan­te syrah vient des Côtes du Rhône. Le Languedoc viticole d’antan n’est plus représenté que dans les collection­s de l’Inra au domaine de Vassal. À l’époque de la reconstitu­tion, après l’épisode calamiteux des hybrides, on a délaissé ces vieux cépages (riveyrenc, araignan, picpoul…) essentiell­ement pour des raisons culturales et économique­s. Il fallait produire du vin, beaucoup de vin. Peu productifs, peu alcoogènes, très sensibles aux maladies et difciles à grefer, il n’avaient aucune des qualités désirées. D’autres, il faut bien l’avouer, ne produisaie­nt que des vins sans intérêt, voire mauvais. Il faut se méfer du culte du passé et de la “sagesse” des anciens, ce sont les mêmes qui clouaient les chouettes aux portes des granges !

Il n’empêche, il faut saluer les vignerons qui, par conviction ou curiosité, font l’efort de réhabilite­r le patrimoine viticole d’une région. D’autant que les défauts de ces cépages sont peut-être aujourd’hui des qualités, en particulie­r leur faible degré alcoolique à une époque où ils s’envolent sur d’autres variétés.

Patricia Boyer-Domergue dans son Clos Centeilles est de ceux-là, à l’instar d’un Plageoles à Gaillac, d’un Navarre à Saint-Chinian ou d’un Comte Abbatucci en Corse. L’histoire débute en 1990 lorsque Daniel Domergue et Patricia Boyer tombent amoureux fous de ce bout du monde, suspendu au-dessus du terroir de La Livinière, adossé à la Montagne noire. Tout est à restaurer, bâtiments, cave et vignoble, mais la chapelle du XIIIe siècle qui campe au milieu des vignes atteste de la pérennité de ce vignoble presque archéologi­que : les carignans y sont centenaire­s. Les “centeilhas”, les Cent Veuves, ancien ordre féminin, y accueillai­ent les pèlerins, mais aussi les femmes qui voulaient enfanter et qui devaient faire neuf fois le tour de la chapelle en dévotion à la Vierge. Ce lieu ne pouvait être que fécond.

Un vignoble aux vingt cépages

Le vignoble est divisé en petites parcelles, avec des terrasses orientées plein sud, entourées de murs de pierres sèches, dans un environnem­ent naturel et isolé. Le microclima­t est particulie­r, à la fois solaire et rafraîchi. Les sols sont des grès siliceux,

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