La Revue du Vin de France

Philippe Castéja nous reçoit à Pauillac : « Le site 1855, c’est du Madoff ! »

Propriétai­re et négociant sur les deux rives de la Garonne, il défend une idée très classique du bordeaux. Au crépuscule des années Parker, son style est en train de s’imposer.

- Propos recueillis par Denis Saverot et Philippe Maurange, photos de François Poincet

La Revue du vin de France : Pouvez-vous nous présenter vos propriétés ainsi que vos maisons de commerce ? Philippe Castéja : Je dirige le groupe familial Borie Castéja Animation Participat­ions (BCAP) avec des activités de négoce et des activités viticoles. La partie négoce comprend les maisons de commerce Borie-Manoux, Grands Vins de Gironde (GVG) et la maison Drouet Frères, près de Nantes. Depuis juillet, BCAP a pris le contrôle de la maison Mähler-Besse à Bordeaux. Pour le pôle viticole, nous possédons à Pauillac les châteaux Haut-Bages Monpelou, Batailley et Lynch-Moussas, à Saint-Estèphe le château Beau-Site, à Saint-Émilion le château Trotte Vieille et enfn, à Pomerol, les châteaux du Domaine de L’Église et La Croix du Casse. La RVF : Vous nous recevez à Lynch-Moussas, un cru classé peu connu, aujourd’hui rénové. Quelle est son histoire ? P. C. : Mon grand-père Castéja l’a acquis en 1919, en même temps que le château Pichon-Longuevill­e Baron, afn de résoudre des problèmes d’indivision touchant le château Duhart-Milon, notre propriété familiale d’origine. Hélas, mon grand-père ne s’est jamais occupé de Lynch-Moussas car les partages familiaux n’ont été statués qu’à la fn de la Seconde Guerre mondiale, juste avant sa mort. Ce cinquième cru classé n’était pas une priorité. Lynch-Moussas ne fut pas entretenu comme il aurait dû l’être. Mais tout a changé. La RVF : Quelle est l’origine du nom Lynch-Moussas ? P. C. : Au XVIe siècle, ce cru était divisé et portait plusieurs noms : Madrac, Moussas et Bages. La propriété prend le nom de la famille Lynch au XVIIIe siècle. En 1824, les Lynch se séparent de la partie de Bages. Bages-Jurine est alors créé, rebaptisé depuis Lynch-Bages ; la partie de Moussas deviendra Lynch-Moussas. En 400 ans, seules trois familles ont été propriétai­res : les ancêtres français de la famille Lynch, les Vasquez, des négociants espagnols, et les Castéja. La RVF : Que représente cette propriété pour vous ? P. C. : Je suis très attaché à Lynch-Moussas, que j’ai connu enfant. Lorsque mon père l’a reprise dans son intégralit­é, en 1970, la propriété était en ruine. Il lui a rendu son éclat, avant de m’en confer la responsabi­lité, en 2001. Quarante-cinq ans plus tard, les 60 hectares de ce vignoble confrment tous nos espoirs. La RVF : Quelle est votre définition du vin de Bordeaux ? P. C. : Qui boit un vin de Bordeaux doit penser en lui-même : « C’est vraiment bon. » Concevoir le vin, c’est autre chose. Je crois à la typicité. Il est important de pouvoir reconnaîtr­e les caractéris­tiques de chaque propriété. J’aime les vins qui ofrent de la fraîcheur, du fruit, de la structure et de l’équilibre. L’équilibre compte, il donne la trame et la longévité du vin. J’apprécie les vins concentrés, mais je ne suis pas amateur des vins trop tapissants, marqués par la surmaturit­é.

J’ai toujours pensé que la mode des vins très concentrés ne durerait pas

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