La Revue du Vin de France

C’est comme ça et pas autrement, par Sébastien Lapaque

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père biologique de Carla Bruni ne boit que ça !

Rio de Janeiro, ville selon mon coeur, j’ai bu du vin avec Yves Camdeborde, avec Jonathan Nossiter, avec Sabine Wespieser, avec Chico Buarque et avec le chef français Olivier Cozan, un Breton établi dans la cidade maravilhos­a depuis vingt ans. Qui le croira ? Dans son restaurant de la rue Vinícius de Moraes où il faisait si bon vivre du temps où nous étions jeunes et beaux, nous avons bu un facon de chenin du regretté Christian Chaussard…

Du vin naturel sous les tropiques ? Authentiqu­e ! Même au plus blasé des buveurs du Brésil, ce genre d’expérience donnerait une furieuse envie de fredonner du Tom Jobim… Tristeza não tem fm, felicidade sim… A felicidade e com a pluma que o vento vai levando pelo ar… Et ce n’est pas parce qu’Olivier Cozan est français qu’il proposait une si jolie bouteille sur la carte des vins de son bistrô francês, comme disent les Cariocas.

Danslerest­aurantdeRo­berta Sudbrack, cuisinière gourmande et précise qui fut la chef du président Fernando Henrique Cardoso au Palácio do Planalto à Brasília avant de s’installer dans le quartier du Jardin Botanique à Rio, j’ai bu du morgon de Marcel Lapierre, une jolie quille de cheverny de Tierry Puzelat et un magnifque spécimen du vin de Sologne de Claude Courtois. Il n’y a pas que la caipirinha dans la vie !

Les Brésiliens ont un goût assez inattendu pour les vins goûteux et naturels qui ont été popularisé­s à São Paulo par Jacques Tréfois, et à Rio de Janeiro par Jonathan Nossiter et par son ami le chanteur Ed Motta qui va répétant dans toutes ses interviews qu’il soigne sa mélancolie au pouilly-fuissé Clos de M. Nolly de Philippe Valette. Même Maurizio Remmert, le père biologique de Carla Bruni ne boit que ça ! Du temps où nous étions copains, c’est-à-dire avant qu’il n’apprenne que j’avais écrit contre son gendre élyséen un très méchant livre intitulé Il faut qu’il parte (Stock, 2008), nous avons bu ensemble du bordeaux Château Le Puy, du champagne d’Anselme Selosse et du bourgogne de Frédéric Cossard. Car tous ces vignerons sont des stars au Brésil. Marié à une Brésilienn­e, le Bourguigno­n Philippe Pacalet y a toujours droit à un accueil royal. À tout seigneur, tout honneur…

Lorsque Marcel Lapierre est mort en octobre 2010, le quotidien O Estado de São Paulo m’a immédiatem­ent commandé une nécrologie. Une oraison funèbre en portugais à 10 000 km de Paris ! Combien croyez-vous qu’il existe aujourd’hui de vignerons en France qui peuvent prétendre à un tel honneur ? Trois, cinq, dix ? Les doigts d’une seule main sufsent largement à en faire le compte.

À São Paulo, les Français de passage sont forcément émerveillé­s de découvrir le morgon de Marcel sur la carte du restaurant D.O.M. d’Alex Atala, considéré comme une des meilleures tables du pays et même de toute l’Amérique du Sud par quelques gourmands voyageurs. Chez nous, il y a encore des buveurs d’étiquettes pour faire la fne bouche sur le morgon tout raisin, sans chaptalisa­tion, ni fltration, ni collage, ni soufre ajouté que produit aujourd’hui Mathieu Lapierre, son fls. Pas là-bas. Et c’est comme ça, et pas autrement, que les Brésiliens sont grands.

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Écrivain, chroniqueu­r littéraire et bon buveur.
PAR SÉBASTIEN LAPAQUE Écrivain, chroniqueu­r littéraire et bon buveur.

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